C’est la première fois, à notre connaissance, que le cercle délaisse le roman pour une pièce de théâtre BECKET ou l'honneur de Dieu (il y avait eu une anicroche avec l’Etabli de Robert Linhart, mais plusieurs membres du cercle avaient affirmé que ce qui apparaissait comme une autobiographie était en fait un roman). Ici, on ne peut pas se tromper : il s’agit bien d’une pièce de théâtre, avec indications de mise en scène et découpage en actes.
Le sujet de la pièce se situe dans une période, le XIIème Siècle, où les pouvoirs religieux et civils cherchent à s’agrandir aux dépends l’un de l’autre. . Ainsi, en 1159, le pape Alexandre III se voit opposer, par l’Empereur du Saint Empire romano-germanique Frédéric Barberousse, un autre pape que l’on nommera par la suite antipape, lorsque ses forces auront été vaincues : Victor IV. Le sujet de la pièce est dans la logique de cet affrontement : le roi Henri II, normand, régnant entre autres en Angleterre, cherche à faire entrer de l’argent dans les caisses du royaume en imposant les ecclésiastique qui étaient jusqu’alors exemptés d’impôts. La convention de Clarendon de 1164 lui permet de le faire. Et pour s’assurer de la bonne grâce du haut clergé anglais, dont le primat, l’archevêque de Cantorbéry, vient de mourir, Henri II nomme en 1165 dans ce poste, son mentor, Thomas Becket, de 16 ans son aîné. Mais, pour que cette nomination soit confirmée, Becket doit se rendre auprès du pape, à Rome. Et Alexandre III le retourne : Becket devient le champion des prérogatives de Rome contre le pouvoir civil, donc contre son roi. Après de multiples péripéties, dont beaucoup sont évoquées dans la pièce, Henri II décide de se débarrasser de son encombrant primat et soit le fait assassiner par ses barons, soit leur suggère de le faire. Puis s’en repent et se fait fouetter pour cette infamie.
La pièce s’ouvre sur cette scène puis fait un retour en arrière sur le moment où le roi Henri va faire nommer son mentor à l’archevêché de Cantorbéry et s’ensuivra la chronologie que nous venons d’indiquer.
Beaucoup des membres du cercle ont commencé leurs interventions autour du fait de lire une pièce : alors que quelques-uns étaient enthousiastes et remerciaient de l’innovation introduite dans la vie du cercle, beaucoup soit avançaient qu’ils n’en avaient pas l’habitude soit avaient été gênés de devoir le faire. Mais la plupart reconnaissait la force du texte et le talent d’Anouilh à créer des scènes dramatiques. Certains ont cependant peu goûté ses indications rigides de mise en scène. Pour la plupart d’entre nous la pièce raconte, au-delà de l’opposition royaume-papauté, l’affrontement de deux hommes, certains chacun du bien fondé de leurs actes. Le Roi parce qu’il se croit investi par Dieu, l’Archevêque parce que représentant l’Eglise fondée par le fils de Dieu.
D’autres membres du cercle ont davantage insisté sur les aspects plus émotionnels des rapports entre les deux protagonistes principaux : au début ce rapport est très fusionnel au point que Becket donne sa femme au Roi, puis la relation devient de plus en plus glacée jusqu’au meurtre, avec cependant la repentance dramatisée de la première scène (le Roi fouetté et pleurant). D’autres membres ont contextualisé la pièce en rappelant qu’elle avait été écrite en pleine occupation, entre 1940 et 1942,quand il était difficile pour certains de faire un choix entre le vieux Maréchal couvert d’honneurs et de légitimité et son jeune et fougueux adversaire, tous deux chantres de la France éternelle, mais n’en tirant pas les mêmes conclusions.
Certains ont également souligné l’humour de bien des scènes.
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