« Conte crépusculaire », « Brûlant secret », « Les deux jumelles » de Stefan Zweig
J’ai pu lire trois des quatre nouvelles dans l’édition de la
Pléiade avec grand plaisir étant une fan inconditionnelle de Stefan Zweig
depuis toujours, qu’il écrive des nouvelles, courtes ou longues, des
biographies ou sa remarquable autobiographie que nous avions déjà mise au menu
d’un de nos cercles. Je n’ai donc eu aucun
mal à savourer cette écriture fine et ces trésors d’analyse psychologique, et parfois
aussi son humour.
Le commun dénominateur de ces trois nouvelles si l’on excepte « La nuit
fantastique « que je n’ai pas eu le temps de lire, est la passion,
assortie de la jalousie et de la découverte de la sexualité chez des pré
adolescents.
Zweig a 27 ans quand il écrit Conte crépusculaire consacré au passage du monde de l’enfance à celui de l’age pré adulte. La forme du récit enchâssé - l’auteur annonce qu’il va raconter une histoire puis se met à la raconter, se retrouve dans d’autres nouvelles. Ce conte joue habilement entre réel et fantasmatique, avec le flou de l’illusion justement quand le soir tombe. Déjà, Zweig traite des souffrances provoquées par la période pubertaire chez un jeune garçon de 15 ans, Bob, qui a un « secret » qui le brûle et n’a rien de charmant, exactement comme Edgar dans « Brûlant secret ». La nuit est propice à toutes les magies, à tous les secrets, et à « la confusion des sentiments », justement.
Dans « Brûlant secret, longue nouvelle de 15 chapitres, l’une des quatre qui composent Histoires du pays d’enfance publié en 1911 à l’âge de 30 ans, on retrouve le thème de l’éducation traditionnelle des enfants et celui de la sexualité naissante. N’oublions pas que Zweig n’a que 25 ans de moins que le Viennois Freud qu’il a lu, et que complexe d’Œdipe et interprétation des rêves ont été assimilés. La psychologie des trois personnages, à savoir le jeune baron oisif et coureur, le petit garçon de 12 ans qui ne comprend pas ce qui se passe, et la mère encore attirante avec tous les poncifs de l’époque (elle cache un caractère passionné derrière une réserve de bon aloi…), est comme toujours chez Zweig parfaitement fouillée. A la fin de ce court roman d’apprentissage, on bascule hors de l’innocent paradis des enfants. Et l’enfant censuré dans son savoir devient le censeur des adultes.
J’ai bien aimé aussi « Les deux soeurs » ou « Les deux jumelles », publié plus tardivement, en 1927. Intitulé « conte drolatique » en référence à Balzac, et se situant non plus dans l’Ecosse contemporaine ou une station des Alpes autrichiennes comme dans les deux premières, mais cette fois dans le monde romain à l’époque de Théodose, c’est là encore un récit enchâssé. Une fois de plus, la passion démesurée est à l’œuvre. Quelle stratégie adopter pour se différencier quand on est deux vraies jumelles indiscernables ? L’une Helena va partir à la conquête du monde avec son corps alors que l’autre, Sophia (la sagesse en grec) va résister par la vertu de son âme. La rivalité va virer au comique quand la confusion fait que les deux sœurs peuvent intervertir leurs rôles. A la fin la morale est sauve, et les deux tours deviennent indestructibles.
Bref je suis toujours preneuse de nouveaux textes à découvrir de Stefan Zweig.
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