Sauf deux personnes, les membres du cercle ont beaucoup aimé La porte des enfers . Certains l'ont même adoré. Ils en ont souligné l’originalité. Un père dont le fils est mort d’une balle perdue, dans un règlement de compte à Naples et dont la femme ne peut surmonter ce deuil, finit pas aller chercher son fils au pays des morts. Pour inaugurer ce voyage, trouver la porte, l'auteur met en scène des personnages « improbables », loufoques, felliniens : Grace le transsexuel, un curé atypique, un professeur étrange. Le fait de situer l'action à Naples, ville dangereuse, fragile, et où règnent les superstitions, donne ainsi de la force à la situation. Le père ramènera le fils, mais au prix de sa propre mort, qu'on mettra sur le compte du tremblement de terre qui a ravagé Naples. Au terme du livre le fils retrouvera sa mère quasi folle et mourante dans un asile. Même ceux qui ont aimé ont dit avoir eu du mal au début, avec les va et vient dans le temps. Le style a été apprécié pour sa concision, son rythme, la qualité de la prose, qui fait que le récit s’emballe et crée un suspens bien qu’on sache qu’on est dans une dimension non réaliste. Il y a eu discussion pour savoir si le récit relève du genre fantastique, de la science-fiction. On a évoqué les romans espagnols picaresques. Tout le monde s’est mis d'accord sur la dimension poétique, la qualité d’évocation dans des scènes rapidement plantées mais avec force. Il a été rappelé que livre revisite la mythologie antique, et rappelle l’enfer de Dante. La dimension religieuse est en fait absente, le curé est hors norme et hors institution, et l’enfer est un pays des morts laïque plus qu’un enfer qui s’opposerait au paradis. Il y a cependant une dimension judéo chrétienne, si l’on considère que la mort du père rachète sa culpabilité de ne pas avoir pu protéger son fils. La mère aussi se sent de plus en plus coupable de n’avoir pas su garder son amour pour son mari. Celles qui n’ont pas aimé arguent des raisons très différentes. Michèle trouve un côté fabriqué à l’ensemble et le style ampoulé. Joelle n’a pas supporté la description du pays des morts et leur volonté de retourner chez les vivants qui crée des souffrances insupportables. La philosophie d’ensemble : on ne meurt vraiment que quand les vivants vous oublient, idée répandue, est ici illustrée métaphoriquement. Laurent Gaudé est né en 1972, il travaille à Paris, marié à une femme d'origine italienne, il écrit Le Soleil des Scorta, publié lors de la rentrée littéraire 2004. Ce roman épique, qui raconte la lignée familiale souvent malheureuse des Scorta, remporte le prix Goncourt en 2004.