Depuis 2001, « Amkoullel, l’enfant peul » était dans
les prévisions du Cercle de lecture. Il faut certainement être curieux
de cultures éloignées et ignorées pour être accroché par
ce roman tout à la fois historique et autobiographique. Ce fut le cas
pour la plupart des membres du Cercle avec cependant quelques réticences.
Au-delà des différences évidentes, de l’impact conjugué des
traditions peuls et de l’islam , nous avons tous été frappés
par le caractère universel du message profondément humaniste, c’est
un livre plein de sagesse quoique non exempt de cruauté que nous avons
découvert.
Amadou Hampaté Bâ commence par rappeler l’historique de l’empire
peul du Macina (appelé aussi Boucle du Niger) qui opposa sauvagement peuls
et toucouleurs ° avant de raconter son enfance dans les années 1920.
Peul issu de deux lignées opposées, né au Mali à Biandagara,
capitale du pays dogon, l’auteur a traversé le siècle (il
est mort en 1991) en luttant pour la survie de traditions orales. Il livre dans
ce roman-mémoire une vision de l’intérieur, unique et exceptionnelle
de l’Afrique de l’ouest.
Certains d’entre nous ont souligné qu’il s’agit d’un
conte à écouter plutôt qu’à lire.
Car la tradition peul est essentiellement orale. Pourtant , après un démarrage
un peu lourd, une mise en scène de tous les personnages aux noms complexes
ne facilitant pas la compréhension , la fluidité du texte est venue
au bout de quelques pages et chacun se laisse bercer par la musique des mots
dans une langue riche et savoureuse. On apprend ainsi que les femmes ont le droit
de dire à une de leur rivale « je te divorce » du mari commun,
s’autorisant ainsi à rompre le lien du mariage. Parmi les plus beaux
portraits : Kadidja, la mère d’Amadou, femme généreuse
au grand cœur mais aussi courageuse et téméraire, à l’esprit
très commerçant, Tidjani, beau-père d’Amadou, ayant
le sens de l’honneur « devant le blanc, je ne peux accuser le Chef
(le Roi) », et fut comparé à Cyrano de Bergerac face à son
procès . Quand le juge qui lui demande de jurer de dire la vérité,
il s’insurge « Je suis un Musulman, tu oses prétendre que
je peux ne pas dire la vérité, c’est impossible et puisque
c’est ainsi je ne parlerais plus ».
L’auteur aborde les rapports avec le colon, l’homme blanc sur un
ton humoristique et drôle puisque les colons ont prétendu qu’ils étaient
incultes , eh bien, soit. L’ambivalence de l’auteur, hésitant
entre résistance et accommodation a été soulignée
: tout en admettant l’apport positif de la colonisation, par le biais du
français, langue commune rapprochant tous les peuples dispersés,
l’auteur développe une vision critique, rappelant le rôle
de la guerre de 14 18 qui a permis aux peuples colonisés de comprendre
que les blancs ne sont pas si courageux . C’est à cette date qu’il
situe la fin du prestige de l’homme blanc et le début d’une
résistance devenue possible et envisageable pour l’obtention de
l’indépendance.
Les discussions ont aussi porté sur l’éducation des enfants
soumis à la fois à une discipline sévère et pourtant
confrontés très jeunes à devenir responsables et autonomes
, sur la coexistence entre un islam pacifiste et tolérant et des traditions
peuls transmises de façon initiatique par les anciens , sur l’esprit
de connivence et de solidarité , la communauté des jeunes garçons
protecteurs des communautés de filles (les valentines), la cohabitation
de l’école coranique et école française.
Pour ceux qui souhaitent continuer à découvrir le parcours de Amadou,
la suite est racontée dans
«
Oui mon commandant »
°(Le nom des toucouleurs de l’arabe tekrou, n’a rien à voir
avec la couleur et désigne un mélange d’ethnies : peuls,
dogons, wolofs, soninkés unis par la langue commune, le peul
L’auteur souligne que la pure tradition peule religieuse et initiatique
s’est perpétuée chez les seuls peuls pasteurs de « haute
brousse » , pratiquant l’élevage . « Un Peul sans
troupeau est un prince sans couronne » dit l’adage.
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