Pars vite et reviens tard
Personnages réels et marginaux mêlés à une histoire
un peu irréaliste, qu’importe, le ton est donné dès
le départ. Puis, la narration commence, comme dans la vraie vie : « Les
types à Paris, marchent plus vite qu'au Guilvinec ». Tout
le monde
marche en effet, du commissaire au crieur, même le lecteur marche dans
l’intrigue, vite pris par l’ambiance colorée. Ça ressemble
aux jeux de piste de l'enfance. Il y a un peu de Pennac et d’Amélie
Poulain dans cette histoire.
Et le policier dans tout cela ? Un commissaire Adamsberg venu du fond de ses Pyrénées, inspiré mais tête en l’air, il observe, intuite les évènements et déroule l’histoire peu à peu. Nous n’échappons pas aux vieux mythes de la peste. Quasi unanimité d’enthousiasme autour de ce livre. On n’ose plus devant ce déploiement d’éloges, dire que le parallèle entre les deux quartiers, celui du commissaire et le quartier du XVème où sévit un vrai crieur dérange un peu : une mine d’éléments passionnants, non pas seulement une histoire policière mais tout un univers de drôles de métier, Joss est crieur de rue et Decambrais ancien lettré est brodeur de dentelle à ses heures.
Le dénouement surprend comme dans un vrai roman policier. Style prometteur, images qui rebondissent, langue flamboyante, les adjectifs ne manquent pas pour saluer cette jeune auteur qui tient à son premier métier d’archéologue spécialiste du moyen Age. Nous resterons attentifs au prochain Fred Vargas à qui on a envie de dire : Pars vite et reviens nous vite.
Changement de mythe avec une nouvelle adaptation d’Œdipe par Didier Lamaison, directeur de collection Série Noire chez Gallimard. Venu nous présenter son livre à la question : « Pourquoi l’avoir rangé dans la série noire ? » il répond que pour lui et quelques uns de ces amis, le mythe d’Oedipe fait partie des grands textes fondateurs du roman policier : un meurtre, la recherche du coupable et le châtiment ne sont-ce point là les composantes d’un roman policier ? et Œdipe n’a t-il pas lancé lui-même l’enquête du meurtrier de son père ?
Didier Lamaison, admirateur de Sophocle a voulu rester fidèle au texte du poète grec et s’il en a légèrement modifié la séquence, c’est pour mieux respecter la linéarité des faits et le rythme d’un roman policier. Style travaillé, volontairement dépouillé de tout détail pittoresque qui aurait pu le rendre ou bien ridicule ou bien pédant, l’auteur s’est davantage attaché à la montée de la tragédie sacrifiant peut-être la description précise des lieux. Conflit métaphysique entre l’être et le paraître c’est la lecture d’Oedipe à laquelle souscrit le plus Didier Lamaison.
Il a contribué à la réhabilitation du roman policier souvent jugé genre mineur, bien qu’ayant été décrié par les vrais amateurs de polar ; une de ses grandes satisfactions fut de constater que son texte sert souvent de sujet d’étude dans les Ecoles. Trouvant grotesque d’avoir à signer un roman nommé Œdipe, il a trouvé l’astuce de lui attribuer un sous-titre : traduction du mythe, puisque pour lui tout roman n’est jamais que la traduction d'un mythe.
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