Dans "Mémoires de ma vie", un vieil homme raconte comment de l'état de lettré et de colleur d'affiches pour métier, il fut abandonné par sa femme avec pour charge en prime deux enfants en bas âge, entra pour 20 ans dans la police et finit par être expulsé pour sombrer dans une quasi misère.
Pas de colère dans ses propos, pas de résignation non plus même s'il donne l'impression de subir, non il tombe de désillusion en désillusion, de désenchantement en déchéance "la vie n'est qu'un jeu" et il en est un grand perdant plutôt que fataliste devant les évènements qu'il espère annonciateurs de grands changements.
Certains d'entre nous l'ont vu trop moralisateur, d'autres trop stupide devant ses aveux d'impuissance. Impuissant il le fut certainement devant la perte de ses valeurs dans une Chine corrompue de fin d'empire et de début de la République avec ses Mandarins. Et s'il résiste c'est grâce à un solide sens de l'humour que l'on perçoit sous un ton sardonique et mordant utilisé pour décrire une lente descente aux oublis de l'Histoire et une vie vaine.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Lao Shé et la Chine de cette époque : Gens de Pékin d'où est extrait "Mémoires de ma vie" et "Le Pousse pousse".
Dans un autre genre de héros plutôt malfaisant cette fois, J.B Grenouille apparaît comme un espèce de monstre froid, tueur en série que la vie n'a pas non plus épargné dès la naissance. Doté d'un flair hors du commun, inné ou acquis, il s'oriente ou se laisse guider par des maîtres parfumeurs qui lui dévoilent les connaissances en matière de parfums. "Le parfum" tel est le titre de l'ouvrage de Patrick Suskind.
Dès les premières pages, l'auteur se lance dans des descriptions très olfactives et prometteuses sur la France et le Paris du XVIII éme siècle avec des odeurs qui n'avaient rien de parfums délicats mais qui relevaient de la puanteur la plus extrême.
Roman initiatique pour certains, quel fut le but de Grenouille ? Se rendre odorant ou tout puissant et maître du monde ? Né à Paris dans la foule, il y retourne pour y mourir tragiquement sous la foule après une vie que l'on pourrait qualifier d 'aussi vaine que celle du héros de Lao Shé. Roman en boucle d'une vie uniquement guidée par la haine des hommes "Et soudain il sut que ce ne serait jamais dans l'amour qu'il trouverait sa satisfaction mais dans la haine"
Est-ce parce que les romans font rarement appel au sens de l'odorat qu'il connut un tel succès dès sa sortie ? Saluons le vaste travail documentaire de l'auteur qui masque une fin jugée par beaucoup d'entre nous comme un peu artificielle.
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