« C'est celui qui ne l'a jamais exercé qui trouve que
le pouvoir n'est pas plaisant » - « Le ciel n'a pas 2
soleils
, le peuple n'a pas 2 souverains » - « C 'est souvent
l'homme
pour qui tu es allé puiser de l'eau dans la rivière qui a
excité le
léopard contre toi » - « Le palétuvier d'eau
douce danse mal car il a trop de racines » -
« Il est rare -aussi rare qu'un poil sur le séant d'un
chimpazé-
qu'un citoyen d'une république africaine se lève pour
dire le blasphème que constitue l'inverse de ce que soutient un
chef d'Etat. » - « Les peuples écoutent ce qu'on
leur dit.
La
vérité n'est
très souvent qu'une seconde manière de redire un mensonge.
Les
grands hommes sont ceux qui ont le mieux fabulé . Un chef d'état
africain président du parti unique et père de la nation est menacé en
début de carrière par sa fâcheuse inclination à séparer
la Caisse de l'Etat et sa caisse personnelle. Or un vrai et grand chef
d'état
sans cesse et tous les jours offre. Il doit paraitre le plus fortuné du
pays. »
Ces quelques proverbes et extraits donnent le ton du livre , oeuvre originale et intéressante de cette rentrée littéraire du CERCLE. Ahmadou Kourouma par le truchement d'un griot, passe en revue l'histoire d'une partie du continent depuis la conférence de Berlin, la balkanisation qui s'en est suivie consécutive à la colonisation mais surtout relate les actes barbares, les dérives du règne sans partage de Koyaga , hypothétique mais vraisemblable dictateur soutenu par le pouvoir de son marabout et par sa mère magicienne.
Le roman est structuré autour de 6 veillées en forme de rituel purificatoire et animées par le griot . L'auteur semble s'amuser avec un certain détachement à nous décrire avec force détails et précisions les mécanismes de la corruption , les liens entre modernisme et rites ancestraux et il n'épargne personne.
La question se pose de savoir quelle leçon si leçon il y a , nous devons en tirer ? Attend-il de nous, lecteurs , que nous condamnions ces régimes , dirigés par des personnages hors du commun , à la fois marqués et hostiles au colonialisme et en même temps mis en place avec l'assentiment des gouvernements occidentaux . Hypocrisie et responsabilités des états occidentaux , nous le savons déjà , faiblesse , corruption et archaïsmes de la société africaine , là non plus nous n'apprenons guère plus que ce que nous savions déjà. Nous nous contenterons d'être envoûtés par le rythme africain , le ton drôle ironique , cocasse malgré les horreurs décrites , les formules savoureuses des proverbes et aphorismes.
Nous n'avons aucune peine à reconnaitre des personnages ayant disparu , Bokassa, Mobutu, Houphouët , Sekou Touré et on comprend à la fin la portée du titre énigmatique : « En attendant le vote des bêtes sauvages ». Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les dernier évènements de la Région des grands lacs , je recommande « L'enjeu congolais » de Colette Braeckmann.
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