Rarement roman aura connu des positions aussi tranchées et contrastées
avec quelques mi-figue mi-raisin. Parfois au cours du tour de table, certains
affinent leur position, profitant de ce qui vient d’être dit pour
nuancer le propos. Rien de tel avec le roman de Jose Luis Sampedro. «Un
sourire étrusque », titre étrange pour l’histoire
d’un vieil homme calabrais au coeur dur comme la pierre, être frustre,
bourru. Malade, il rejoint son fils, sa belle fille et leur bébé à Milan
dans l’idée de s’y faire soigner. Ce vieil homme ancien
maire de son village, a connu la vie dure des paysans calabrais. Il a vécu
trois années de guerre qu’il ne cesse de ressasser en boucle.
Dans son nouvel univers du Nord, à regret et méfiant, Salvatore
va peu à peu s’éveiller à une autre vie, il va perdre
ses a priori, se laisser bercer par l’enfant auquel il s‘attache
et à qui il conte ses souvenirs, il va faire des rencontres et tisser
des liens avec son entourage.
Pourquoi ce titre ? Dans un musée milanais, il observe un jeune couple
au sourire énigmatique : qu’est ce qui leur a permis de sourire
jusque dans la mort ?
Pour ceux qui ont aimé le livre, reçu avec plein d’émotion
, le vieux paysan est apparu extrêmement attachant,le contraste entre
sa façon d’aborder la ville et son refus de la société a été souligné,
ce fut un hymne à la vie malgré l’évocation de la
mort. Le titre fut parfaitement illustré tout au long avec un éveil
du paysan à la vie et à la préparation de sa fin que l’on
devine proche. « J’ai commencé ce livre sans conviction,
je l’ai vu ensuite sous d’autres yeux comme un opéra, avec
des thèmes récurrents en leit motiv, comme le retour à la
guerre aux ennemis à la vie, l’ épisode à l ‘Université est
drôle, puis j’ai commencé à marcher dans le livre »
Lecture totalement opposée, commentaires semblables mais en négatif,
le livre a été perçu alors comme mal construit et agaçant
par ses longueurs de références incessantes à la guerre,
et résumé par : « Moi, vieil homme sûr de moi et
dominateur, obsédé par 2 choses, d’abord éduquer
un petit fils pour qu’il ne ressemble point à son père,
et ensuite espérer que son rival de toujours ne meure pas avant lui » Les
répétitions et les bons sentiments ne font pas nécessairement
de la bonne littérature. « Cette histoire d’émigrés
Nord/sud semblait intéressante à suivre mais au fur et mesure,
l’agacement est venu, cette évolution personnelles entachée
de lourds monologues, le reste est mièvre, bon démarrage mais ça
n’a pas pris tournure » ,
La plupart se sont rejoints sur la chute, « très belle », « sublime », « un
feu d’artifice » certains s’ étant demandé au
cours de la lecture s’il aurait ou non le bon goût de mourir. « J’imagine
ce grand père qui pas toujours facile meurt avec ce sourire aux lèvres,
identique au masque des étrusques »
Quant aux mi-figue mi raisin, le livre fut jugé « très
touchant, sur les gens discrets de la campagne qui ne montrent pas leurs sentiments
mais le côté conte de fées a agacé « too much
attitude du vieillard »
« Le fleuve qui nous emporte » autre ouvrage de Jose
Luis Sampedroa séduit certains d’entre nous repoussés par le thème
de « Le sourire étrusque » C’est un roman plus picaresque
qui nous entraîne le long du Tage, en Espagne, pays natal de l’auteur
et aborde la vie rude des flotteurs dans les années 40 en Espagne. Même
climat compassionnel, qu’on semble retrouver dans Le sourire étrusque.
Un jeune irlandais rescapé et traumatisé par la guerre qu’il
a menée en Italie, au hasard de ses rencontres se joint à une équipe
de flotteurs de bois dont la vie quotidienne, proche de la terre est faite de
violence sourde, de sexe et de beuveries mais aussi d’honneur. Cette remonté du
fleuve qui démarre en hiver et se termine au printemps avec la renaissance à la
vie est comme une épopée initiatique.. une seule femme Pual, énigmatique
fait partie de l »expédition. Le fleuve marque le rythme de l’avancée
et emporte tout sur son passage, parfois les hommes inattentifs et malchanceux.
Métaphore de la vie, des obstacles à vaincre, ce fleuve est omniprésent
dans ce récit plein d’humanité caractéristique de
l’auteur. Les flotteurs, des paysans pauvres et frustres semblent tous
avoir un lourd passé à cacher ou à fuir, ils semblent s’être
imposés ce défi quand il ne s’agit pas tout simplement de
gagner leur croûte. Il est aisé de voir vers quel côté penche
l’auteur, dans ce récit plein de tendresse pour les oubliés
de la vie.
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