"La terre aux loups" écrit en 1958, réédité récemment,
par
Robert
Margerit auteur
progressiste
largement oublié malgré une gloire certaine après guerre.
Livre controversé que celui-ci, avec des adeptes et des franchement contre,
ces derniers surtout mais pas seulement à cause de la dernière
partie jugée glauque, malsaine, odieuse, pleine de violence et de cruauté,
et même non nécessaire.
La longue description très visuelle de la bataille de Waterloo en entrée
de jeu en a passionné certains (plutôt les hommes mais pas seulement),
en a rebuté d’autres qui ont carrément sauté tout
le début. Ont été tour à tour évoqués
le panorama historique allant des guerres napoléoniennes jusqu’au
début de la conquête de l’Algérie en 1830 et même
après, comme un sillon tracé avec les transformations en profondeur
de la société, l’attachement indéfectible à Napoléon,
la description de la petite noblesse terrienne qui vit à peine mieux que
les paysans, le profond décalage entre la vie parisienne et celle des
hobereaux dans une campagne très reculée à cette époque
(il s’agit du Périgord blanc près de Thiviers et Nontron
en Dordogne), la difficulté à se positionner dans une société fermée
prompte à la médisance, l’importance de la chasse - oui il
y avait encore des loups à cette époque,
Egalement relevés et commentés: l’aspect biblique avec des
enfants conçus dans le péché – peut-être en
phase avec ce qu’on écrivait dans les années d’après
guerre en France ?, la malédiction, la sexualité marginale/débridée
intemporelle, la consanguinité, le sadisme de Joaquin, en contre-point
du masochisme de Céline.
Certains ont surtout vu l’histoire de l’échec d’un homme
d’un bout à l’autre du roman; d’autres se sont posé la
question de savoir si on peut prendre plaisir à tuer jusqu’à ne
plus pouvoir se passer de faire la guerre (cf «Apocalypse now »),
d’autres enfin ont insisté sur l’humanité de Violette
incapable d’admettre ce besoin de tuer de Lucien, et trop imprégnée
du sens de la hiérarchie pour lui demander de se marier. Le calme et la
gentillesse des domestiques, en totale opposition avec la violence extrême
de leurs maîtres ont aussi été soulignés, bien que
les personnages secondaires aient parfois été perçus comme
inconsistants, et qu’Arthur arrive trop tard dans le livre selon l’un
d’entre nous.
Tous ont été sensibles à une belle écriture, précise,
sensuelle, facile à lire malgré des termes techniques peu usités;
des phrases assez longues un peu à la Proust, mais d’un auteur qui écrit
comme un historien autodidacte selon un autre lecteur; une finesse d’écriture
pour dépeindre les sentiments ambivalents des personnages; sauf à la
fin où l’écriture devient impersonnelle et empêche
de rentrer dans la subjectivité des personnages…
La fin plus que noire rappelle à Pierre « Mauprat » de George
Sand (cf Cercle du 10 juin 2006).
Bref un livre qui en a déconcerté plus d’un, et dont la violence
extrême a été perçue par tous. Mais livre qui a donné matière à discussions.
Juliette n’ayant pas trouvé ce titre a lu « Mont-Dragon »,
huis clos libertin, diabolique, bouleversant, se passant dans le Limousin.
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