Comme pour « La naissance d’un pont » : il s’est dégagé une sensible majorité pour ce livre, face à une minorité plus réservée, avec des arguments assez tranchés. Le style tout d’abord : Une relative unanimité s’est dégagée pour louer la puissance évocatrice des textes d'Annie Proulx (il s’agit de nouvelles) dans la description d’une nature merveilleuse, sauvage et belle dans la dureté de son climat. Ceux qui y survivent (la misère, dans ce Wyoming profondément rural, semble généralisée et récurrente) sont dans une telle osmose avec le pays que cette dureté, voire cette violence, semble s’être infiltrée en eux. La fascination que ces personnages a inspiré à l’auteure a enthousiasmé certains, profondément rebuté d’autres. Le rythme, souvent haché, du récit à semblé stressant à certains La multiplicité des personnages, inhérente à un recueil de nouvelles, a semblé source de confusion à quelques uns qui, pris par l’harmonie sombre des atmosphères, y avaient vu une histoire continue. Elle a été vue, par d’autres, comme une richesse justifiant l’empathie qu’ils ressentent pour eux Plusieurs réflexions peuvent s’ouvrir, qui n’ont pas abouti encore, pour comprendre ce qui pousse les hommes de cette région à y être tellement attachés qu’ils y reviennent toujours, malgré la dureté de vie locale ; ou encore : ce qui les pousse à admirer davantage la sauvagerie des taureaux et des «broncos» qu’ils vont tenter de chevaucher que la personnalité de leurs épouses et/ou compagnes ? L’évident déficit de sentiment amoureux a gêné certains. Certaines études démographiques régionales, des années 1880, pourraient éclairer cette réflexion, sans expliquer pour autant la progression de cette démographie Ceux qui sont fascinés par un certain esthétisme ont plébiscité deux nouvelles : «Brokebake Mountain » et « Les pieds dans la boue » ; ces deux nouvelles ont été reconnues comme « les plus fortes». Cette recherche esthétique a été magnifiée dans le film tiré de la première nouvelle. Ceux qui ont recherché un humour sous-jacent ont adoré « Le pur sang bai » et « Cinquante cinq miles jusqu’à la prochaine pompe» alors que les écolo-nihilistes doctrinaires ont semblés être crucifiés par le ridicule dans « Les gouverneurs du Wyoming ». En résumé on pourrait dire que les images y sont fortes et sauvages, que cette sauvagerie, lorsque naturelle, a été admirée par tous ; en a gêné certains lorsqu’elle était humaine, et la misère tant affective qu’économique y semble difficile à supporter.
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