Le cercle, de temps à autre, lit ou relit un grand classique.
La Chartreuse de Parme conte l’itinéraire mouvementé d’un
jeune noble du Nord de l’Italie, Fabrice del Dongo, qui, lors des Cent
jours, décide de rejoindre l’armée napoléonienne et
combattre avec elle. Il le fait contre la volonté de son père,
lequel disparaît vite du roman. Au retour en Italie, le jeune Fabrice est
pris en charge par sa tante, elle-même veuve d’un général
napoléonien, mais qui , grâce aux manœuvres de son amant, le
Comte Mosca della Rovere, èpouse le duc de Sanseverina, vieillard déclinant
mais très riche.
Stendhal nous plonge alors dans un petit état du nord de l’Italie,
le duché de Parme, dans l’atmosphère de la Sainte Alliance
née du traité de Vienne ; celle de la réaffirmation des
principes dynastiques et le rejet soupçonneux de la moindre tentative
de transformer le régime absolutiste. On sait que les monarchies absolues
donnent naissance à des intrigues de cour. Dans ces jeux tortueux le comte
Mosca et la duchesse Sanseverina sont passés maîtres, avec d’autant
plus de facilité que Mosca est un des principaux ministres du duc de Parme,
et la Sanseverina, une des plus belles et séduisantes tacticiennes de
la cour. Mais, follement amoureux de sa maîtresse, le comte Mosca craint
d’être remplacé dans le cœur de la duchesse par Fabrice,
neveu préféré de cette dernière, aussi, après
bien des épisodes de friction entre eux, et de connivence entre le neveu
et sa jeune tante, arrive-t-il à le faire partir à Naples, étudier
pour devenir prêtre. Mais, entretemps, Fabrice, pour refreiner son inclination
incestueuse, séduit une actrice, se bat avec l’amant de celle-ci
et le tue. Au retour de Naples, cette affaire permet aux ennemis du comte Mosca
de monter une cabale contre Fabrice, qui s’achève par la mise en
forteresse de ce dernier. Enfermé, Fabrice qui jusque là, probablement
fasciné par le charme de sa tante, n’a jamais éprouvé de
sentiment amoureux qu’il puisse reconnaître, tombe éperdument
amoureux de la fille de son geôlier Clelia Conti, qu’il aperçoit
de sa fenêtre. Celle –ci s’enflamme aussi pour ce prisonnier
si noble et gracieux. S’ensuivent des intrigues qui permettent au bout
du compte et après quelques centaines de pages aux amoureux de se rencontrer
et avoir le quart d’heure qui permettra à un enfant de naître.
Le roman s’achève par le mariage de la Sanseverina et Mosca et leur
départ de Parme, la mort de Fabrice, devenu évêque entre-temps
et celle de Clelia.
Presque tous les membres présents du cercle ont aimé le roman,
pour des raisons de forme et de fond. La forme d’abord : Beaucoup ont aimé la
phrase courte au service d’une ironie subtile quand sont peintes les intrigues
courtisanes et évoqués ses ridicules et ses travers, mais cette
phrase devient lyrique pour raconter les amours de Fabrice et Clelia, et ce contraste
entre les deux moments du roman fut apprécié.
Le fond : la restitution, vue d’Italie, des espoirs nés de l’aventure
bonapartiste, la peinture de l’atmosphère de véritable réaction
dans une petite principauté soumise au pouvoir de la Sainte Alliance rapelle
tout un pan de l’évolution des sociétés occidentales
d’Europe aux débuts du XIXème siècle, à travers
la vie de quelques personnages, articulant ainsi petite et grande histoire, intrigues
italiennes et tableau de ce qui fut aussi le sort de bien des personnes et des
nations. Une construction qu’adopteront avec plus ou moins de bonheur,
des cohortes de romanciers.
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