« Voyage au bout de la nuit » roman passé dans la Littérature Française que beaucoup d’entre nous ne se seraient pas hasardés à lire ou relire si ce n’était dans le cadre du CERCLE. Un roman foisonnant, caustique et terriblement noir comme le titre bien choisi, au style surprenant pour l’époque (style parlé) alternant avec un langage poétique d’une richesse et d 'une puissance proustienne.
Si la première partie a emporté l’adhésion de tous quant à son rythme, démarrage cocasse sur l’engagement de Bardamu dans l’armée, épisode africain et américain, la partie française en fin d’ouvrage a semblé plus longue, plus poussive.
Quant au fond de l’oeuvre, nos commentaires se sont montré plus sceptiques et interrogatifs. Personnage ambivalent, ambigu dans la vie, Céline brosse un tableau de son personnage principal, Bardamu éructant sa haine vis à vis de lui-même et vis à vis des autres en signe de désespoir. Il dénonce en bloc l’absurdité de la guerre, la puissance de l’argent, le pouvoir des riches et la veulerie des pauvres. Bardamu en est-il pour autant un héros ? Vélléitaire, paresseux, passif, lâche, difficile à le faire passer pour tel, le véritable héros est Robinson, son double ? le seul qui ose passer à l’acte.
Le roman a été écrit sur une dizaine d’années dans les années 1920. Faut-il le remettre dans le contexte pour en extraire et comprendre ce que l’auteur a voulu exprimer. Sur ce point les avis sont partagés. Pacifiste avant la lettre, l’auteur (via Bardamu) déteste l’idéologie de l’époque. L’auteur s’appuie sur son esprit acéré, sur son talent d’évocation pour mettre en lumière les défauts de tous, sa vision de l’humanité est désespérément, définitivement noire et sans issue « La vérité est une agonie qui n’en finit pas, la vérité de ce monde c’est la mort ».
Ce qui ressort de ce roman est cette obsession de la provocation jusqu’à l’écœurement, si tel était son but, pari gagné. Dans cet univers sombre, deux petites lueurs d’humanité : Molly et le sergent Alcyde. La littérature contemporaine a parfois des relents céliniens, aurait-il inspiré des écrivains tels que Houellebecq ou Cioran ?
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