Etsuko Hourcade est née à Fukuyama, non loin d'Hiroshima. Mariée à Jean Hourcade, français qu'elle a rencontré à l'Université de Kyoto, Etsuko et Jean ont vécu notamment au Japon, en Malaisie et ils résident désormais en France. De son nom Murakami, Etsuko descend d'une famille de corsaires qui travaillaient pour le compte de seigneurs. Un jour, l'Empereur appela un de ses ancêtres à sa cour et depuis lors commença la lignée des samouraï dont fit partie son père.Les traditions familiales, le poids du passé ont marqué Etsuko qui en écrivant ce livre, a voulu rendre hommage à son père d'où le titre "Adieu, Capitaine Kamimura". Elle voulait y inclure des poèmes écrits par son père . L'éditeur les a supprimés, le titre est resté. Vous trouverez copie de ces poèmes (haïku) ici.
Etsuko, souriante est visiblement plus à l'aise avec les interviews. Elle parle doucement en cherchant ses mots. Elle suggère plutôt qu'elle affirme ses positions. Elle glisse un mot dans un extrait de phrase auquel on s'accroche pour en deviner son sens.
L'histoire de "Adieu Capitaine Kamimura" se déroule dans trois lieux successifs : Paris, Kyoto puis une île de Malaisie avec une brève incursion à Paris avant un retour sur l'île. Nous avons tous noté une différence de style, de comportement de Tokiko, l'héroïne du livre, selon le lieu où elle se trouvait. Tokiko, jeune femme japonaise vit à Paris. Névrosée, coupable imaginaire d'avoir tué son double, elle se réfugie à Kyoto où dans le Japon moderne et occidentalisé, ça ne va pas tellement mieux. Tokiko éprouve le besoin d'un retour à la nature, elle rejoint une ïle malaise où elle découvre l'enchantement d'un lieu paradisiaque . Dire qu'elle y revit est excessif, cependant elle retrouve une réalité, elle s'y reconstruit tout en se détachant un peu à la manière de l'Etranger de Camus, auteur populaire au Japon. La 1ère partie est vue à travers la verticalité par l'évocation des cathédrales suivie d'une 2ème partie plus contemplative plus musicale. Roman circulaire qui nous a quelque peu dérouté, avant de nous porter vers une histoire qui se termine en conte.
A la question du pourquoi de ce thème, comment est née l'idée de ce livre, Etsuko répond : "Quand j'écris, je vois des scènes de couleur, une peinture et c'est à partir de ces images que mon histoire se construit".
Nous avons
voulu qualifier Tokiko de oisive, à la fois attentive
aux autres et en même
temps indifférente, lointaine, mystérieuse, insaisissable, engluée
dans ses névroses, bloquée dans ses sentiments, autant d'expressions
qui font sourire Etsuko qui commente :
"En français
les mots sont importants, en japonais, les sentiments dépassent, il
y a des mots qu'on ne dit jamais, vous parlez de comprendre, on comprend avec
le cerveau,
au Japon, on comprend avec notre corps, le non dit est plus important que le
dit, oui-non ça n'existe pas, le vide est plus important que le plein".
Le dénouement de ce livre en fait une sorte de conte, Tokiko devient une sorte de légende après sa disparition, on se laisse prendre par la magie. Elle flotte sur la mer comme le Bouddha au milieu de fleurs géantes mais est-elle vraiment morte ?
"La vie n'est qu'une illusion
La mort n'est qu'un fantasme
Le nom de Kamimura n'est qu'une chimère"
La réunion s'est terminée par une évocation du bouddhisme, Etsuko nous expliquant que sa famille appartient au courant zen (sérénité) dans un pays athée où la religiosité est partout car bouddhisme a évacué la question de dieu.
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