Ici, au CERCLE l’exigence est de rigueur. Et quand un auteur s’empare d’un sujet basé sur des faits réels qui pourrait donner lieu à un fantastique roman, si le ton et le style n’y sont pas , si l’intrigue est poussive, la déception qui en découle est à la hauteur des attentes. Ce fut vrai pour la plupart des membres du CERCLE à la lecture de « La double vie de Vermeer » de Luigi Guarnieri .
Parmi cette sévérité , quelques voix s’élevèrent pour trouver des arguments et trouver de l’intérêt à l’ouvrage , ne serait-ce que par le travail de recherche sur l’art et ses copies.
Après « la jeune fille à la perle » un peu décrié aussi par certains d’entre nous, voici un récit romanesque avec pour trame centrale le peintre Vermeer découvert au début du Xxème siècle et son double Meegeren à la vie trouble et agitée. Car la vie du héros Meegeren , peintre hollandais du début du XXème fut en effet romanesque. Plus passionné par la peinture du XVIIème que par le moderne naissant, Van Meegeren (VM) était décrié par ses pairs et surtout par les critiques qui le considéraient comme un peintre mineur, Doté d’une volonté de vengeance peu commune, il se lança à corps perdu dans un plan diabolique. Ayant repéré que Vermeer commençait à avoir une cote grandissante malgré le peu d’œuvres répertoriées sous son nom, il se mit en tête de reproduire une oeuvre qu’ il ferait authentifier sous non nom, comme une œuvre exhumée, mais pas n’importe quelle œuvre, celle qui fait le génie de son créateur, le Vermeer essentiel, majeur, authentique et non encore révélé. Il part alors dans le sud de la France, s’installe dans une villa, reconstitue tous les éléments d’une oeuvre d’époque (toile, support, peinture, vernis, craquelures, ..) reconstruit tous les vernis, les peintures(lapis lazuli) et grâce à quelques entremetteurs réussit à lancer « Le Christ Emmaüs » ; ce tableau est une révélation. VM avait alors le choix de se dévoiler ou de rester dans l’ombre pour mieux assouvir sa vengeance et son succès, d’autant que bénéficiant d’un contexte favorable : la guerre et l’âge avancé de son ennemi, le critique d’art, Bredius, VM pouvait tranquillement continuer sa vie à dépenser tout l’argent gagné avec ses œuvres. Le hasard en fut autrement. Goering ayant acheté un de ses faux, peu avant son procès, une enquête fut menée et VM contraint de dénoncer sa forfaiture au risque en cas de silence de passer pour un traître . Personne alors ne voulut croire au vrai scénario et dans sa cellule VM se mit à peindre un nouveau faux qui ressemblait au vrai.
Alors génie ou faussaire ? faussaire de génie sans aucun doute, s’il ne s’était pas dénoncé nous admirerions de nos jours, de faux Vermeer considérés comme des vrais.
Certains d’entre nous ont cherché à classer le livre : dossier d’investigation ? ni un livre sur la peinture ni une biographie , ni un livre sur le marché de l’art, ni roman policier, alors dossier d’investigation avec luxe détails ? Les passages sur Proust et Goering ont parfois été appréciés, parfois décriés car inattendus dans ce récit. Mais si cette histoire s’est réellement passée, qu’est ce qui nous empêche de penser que cette histoire ne s’est pas passée ailleurs et que nous admirons parfois des toiles signées de leur auteur alors qu’elles ont été réalisées par des inconnus de génie. Et alors se pose la question de l’ attitude devant une œuvre d’art et son auteur présumé.
La 4ème de couverture annonçait une intrigue policière. Conclusion : ne vous fiez jamais aux 4ème de couverture
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