Le Cercle de lecture réserve parfois des surprises. Ceux qui pensaient
que « Le monde d’hier » de Stefan Zweig serait reçu
avec ferveur et perçu à l ‘unanimité comme un incontournable
de la littérature ont été surpris par des critiques négatives,
parfois vives, notamment sur la 1ère partie, plus personnelle de l’ouvrage.
Après « La marche de Radetzky » univers de militaires, voilà un
témoignage complémentaire qui commence par la chute de l’empire
austro-hongrois et se termine à la déclaration de la 2ème
guerre mondiale.
Zweig a près de 60 ans, il est revenu au Brésil quand il entreprend
l’écriture de cet ouvrage ; démuni de tout document, de notes
personnelles, il fait uniquement appel à sa mémoire prodigieuse.
Le livre est dense, chaque chapitre pouvant constituer un livre à lui
seul et toujours ponctué en fin de chapitre par une pensée profonde
résumant ce qui a été dit.
Brillant intellectuel, issu d’ un milieu privilégié, européen
convaincu, Zweig est né dans un monde figé, très structuré,
qu’on croyait inébranlable.
Fervent adepte du progrès, éternel voyageur, il a connu l’ effondrement
d’un empire, la récession, le recul des valeurs, l’horreur,
la déchéance du banni sans patrie, et a profondément souffert
de ne pas avoir su détecter, déchiffrer, anticiper, gérer,
décoder les petits signes annonciateurs de l ‘apocalypse qui s’est
abattue sur l’Europe à deux reprises.
Le livre démarre par un hommage à la Vienne de la fin du XIXème
siècle, où régnait une effervescence intellectuelle (musique,
théâtre, poésie, littérature) exceptionnelle avant
de disparaître brutalement.
Violemment anti-guerre, pacifiste, il est étonnamment moderne dans sa
vision de l’Europe, le 2ème titre étant « Souvenirs
d’un européen ».
Si tous les membres du Cercle ont apprécié la dimension historique, éclairante,
passionnante, le démarrage lent, le style parfois un peu lourd contrastant
avec la concision du langage de ses nouvelles a dérangé certains
d’entre nous.
La majorité a loué la puissance d’évocation et la
référence à une conscience universelle a même été soulignée
par Lucie.
Pudique, évoquant peu sa vie personnelle, Zweig préfère
parler de ses amis à qui il voue admiration et amitié sans faille
: Romain Rolland, Verhaeren, Rilke, Hofmannsthal , Freud ….. ;les détails
loin d’être superflus sont destinés à mieux saisir
l’ambiance qui régnait alors. Mieux qu’un livre d’histoire
se contentant d’énumérer des faits, ici la dimension psychologique
et sociologique sont pris en compte. Zweig est un reporter de son époque,
il n’y a pas de pathos, rien sur ses mariages et sa vie privée
bien que certains y aient vu un aspect égocentrique de l’auteur
qui se voulait l’ami de tous.
On détecte le poète dans son écrit, il écrit et
pense en poète, il a toujours refusé de s ‘encarter dans
un mouvement, il a été soucieux de conserver sa liberté .
Il resitue la place de l’artiste engagé mais pas partisan.
Au-delà de l’aspect Historique, Maryse y a vu un message philosophique
sur la fragilité du monde, de ses structures, en osant le parallèle
avec notre époque actuelle où tout se délite.
Le livre se termine sur la phrase suivante «Toute ombre, en dernier
lieu, est fille de la lumière et seul celui qui a éprouvé la
clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur
et la décadence, a vraiment vécu.»
Pour connaître la biographie de Stefan Zweig lire celle de Dominique
Bona.
A conseiller une de ses nouvelles « La croix » qui dénonce
la guerre
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