Quels liens entre les livres de deux femmes qui parlent du thème éternel de l'amour : peu semble-t-il. Tout les oppose, rythme, forme, vocabulaire, implication de l'auteur,…
L'originalité de "Dans ces bras-là" de Camille Laurens réside dans sa forme : de brefs chapitres, "des vignettes", et dans le sujet : variations sur le thème exclusif de l'homme, les hommes qui ont croisé la vie de l'auteur, car il n'y a volonté car il n'y a que ça qui l'intéresse comme elle aime à le souligner dans ses interviews: "l'autre, l'homme, le sexe opposé, la rive étrangère" Je suis l'homme, ….Un homme qui s'avance et qui dit : Je suis l'homme…. ; je voudrais qu'on dise : je suis la femme.
L'intention était louable, malheureusement le roman mais est-ce un roman ? n'a pas tenu ses promesses quant à l'effet obtenu : exercice de psy, de thérapie, encore un et ça lasse car peu à peu le lecteur se détourne de cet univers clos. A part 2 enthousiastes, le livre a provoqué plus un phénomène de rejet et aux adjectifs de léger, lyrique, éreintant, pudique, enchanteur, nostalgique de la presse littéraire, on a opposé les qualificatifs de misogyne, narcissique, ennuyeux,, stéréotypé, lassant, décevant, insipide, égo hypertrophié.
En apprend-on sur les hommes que nous ne savons déjà ? Vision un peu réductrice et qui perpétue l'image du mâle dominateur et pantouflard. Dommage. En apprend-on sur les femmes ? Sur l'auteur peut-être. A noter quand même de l'avis unanime quelques portraits rapidement et habilement croqués.
"La conversation amoureuse" d'Alice Ferney adopte un style résolument plus classique à la limite ampoulé, travaillé, retravaillé. Le thème est plus classique : "Un couple de futurs amants marchait… la rue " Un homme mûr, séducteur, en instance de divorce courtise une jeune femme, Pauline mariée, heureuse en ménage et enceinte. Elle se laisse avec délectation séduire, par les mots, les gestes, et se laisse prendre au jeu jusqu'à en devenir esclave et liée à tout jamais.
Si le style du précédent roman était à l'économie et le style rapide, ici rien de tel, Alice Ferney nous détaille avec une minutie d'entomologiste les moindres détails du désir amoureux et de son expression verbale et non verbale, ne négligeant aucun moment y compris, les propos de simple banalité, les silences, les inquiétudes, les interrogations, les redites.Contraste certain entre le flot de mots et le manque d'action. Certains y ont vu une énumération lassante, un montage artificiel de recettes, d'autres se sont bloqués sur le caractère de victimisation de l'héroïne, sur le rôle de Gilles séducteur macho :est-il un manipulateur ou simple révélateur de la personnalité de Pauline alors que j'ai surtout retenu le jeu amoureux et son inévitable déroulement, un formidable appétit de vivre le moindre instant de sa vie et de goûter aux plaisirs s'ils se présentent : un hymne à l'amour.
Oui sans doute l'auteur s'est attaché à démontrer qu'après l'engouement de départ, le désir féminin se cristallise et sacralise l'être aimé tandis que le désir masculin va en s'amenuisant et que dans cette relation-là il était difficile de concilier tendresse et émotion amoureuse. C'est sans doute aussi une conversation hors mode et pourtant si actuelle.
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