Plusieurs membres du cercle ayant connu la Birmanie, la discussion sur « Une histoire birmane » de George Orwell est parfois devenue aussi une discussion sur le pays et sa situation actuelle.
Ce livre, paru en 1934 sous le vrai nom d’Orwell (Eric Blair) repose sur l’expérience de celui-ci qui fut officier de police en Birmanie de 1922 à 1927, date à laquelle il démissionne et rentre en Europe. D’une façon générale, le livre a été apprécié, certains l’ont aimé, d’autres l’ont juste trouvé intéressant, mais moins bon que d’autres livres d’Orwell. Il a aussi été qualifié de daté. En fait c’est un document sur une période révolue du colonialisme britannique.
La critique des colonisateurs britanniques est violente. Imbus de leur prétendue supériorité d’homme blanc, ce sont des personnages médiocres, snobs, portés sur l’alcool et mesquins perdus dans un univers étranger, se raccrochant au club, seul lieu de civilisation à leurs yeux. Seul l’un d’entre eux, Flory, a un certain goût pour le pays. Il n’a cependant pas l’énergie de se détacher de la minuscule communauté britannique qu’il ne se plaît à critiquer qu’avec son ami indien, le Dr Veraswami. Pour certains, les personnages sont tous plus affreux les uns que les autres, ce qui rend le roman manichéen et moins intéressant. Le cas d’Élisabeth a été discuté, est-elle mauvaise ou le produit d’une époque et d’un milieu qui ne laisse que peu de choix aux femmes ? Flory, qui pourrait être le porte-parole de l’auteur, a paru si faible qu’il est à peine considéré comme le héros du roman, que ses affres d’amoureux timide n’ont pas passionné et qu’on a dû se rappeler qu’il a eu du courage physique lors de l’attaque du club. La médiocrité de l’enjeu des manœuvres ourdies par U Po Kyin, enjeu révélé à la fin du livre et la conclusion sur la transformation d’Élisabeth en maîtresse de maison dure envers le personnel laissent une impression lamentable.
Le thème central est le racisme et son expression remarquable aussi bien dans les diatribes d’Ellis que dans les dégoûts d’Élisabeth. Il n’est pas question de trouver le moindre intérêt à la façon de vivre locale. Les natifs sont, au mieux, considérés comme des objets possédés, ainsi le majordome du club lorsqu’il se fait frapper par Verall. Le terme de nègre revient sans cesse. Même les anglo-Indiens sont mal considérés. Pour autant les Birmans n’ont pas une seule attitude. Depuis le serviteur de Flory qui voudrait qu’il se comporte comme un vrai sahib, sa maîtresse qui semble surtout intéressée par l’argent et les cadeaux, le sous-magistrat qui voudrait passer de l’autre côté de la barrière et être admis au club, les villageois qui se révoltent, c’est toute une société complexe qu’on entrevoit.
Beaucoup ont souligné les qualités de style. La description de la forêt, de la chaleur, et de certains événements telle la chasse, le marché, le tremblement de terre, l’attaque du club a beaucoup plu.
La discussion a été animée, un peu désordonnée mais très joyeuse. Ce fut un très bon moment.
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