Le cercle avait lu deux ouvrages précédents de cet auteur : Extension
du domaine de la lutte et Particules élémentaires. Le commentaire
de la fondatrice du cercle dans son compte rendu était : « Pour
conclure provisoirement sur le sujet, je reprendrais une phrase de ses multiples
interviews (ceux de M.H.) « Ce n'est pas pour dire la vérité que
j'écris, c'est pour dire mes incertitudes » (réunion du 13
Février 1999).
Ce livre est divisé en trois parties : les deux premières suivent
l’itinéraire d’un artiste peintre, Jed Martin, dont l’œuvre
va de la peinture des déchets de la société industrielle
au travail sur des photographies de cartes Michelin et à la peinture de
couples mythiques mais contemporains, comme une discussion entre Steve Jobs et
Bill Gates, et des prototypes de métiers artisanaux en voie de disparition.
Pour préparer une exposition, on recommande à ce peintre de faire
préfacer son œuvre par Michel Houellebecq. D’où une
rencontre avec celui-ci en Irlande, où le moins que l’on puisse
dire est qu’il n’a pas flatté son personnage. Après
une description du vernissage, la troisième partie marque une rupture
de ton : Houellebecq est mort assassiné et la dispersion des morceaux
de son corps, découpés au laser, constituent une œuvre d’art
moderne. L’auteur met alors en scène un policier qui, comme Jed
Martin ou Houellebecq (le personnage du livre) n’est jamais qu’une
autre illustration des obsessions et interrogations de Houellebecq (le vrai,
l’écrivain) : transformations du biopouvoir, frénésie
sexuelle du néo-capitalisme, détournement marchand de l’art,
etc.
Alors que treize ans plus tôt le cercle avait admiré le style tranchant
et provocateur de l’auteur mais était resté divisé sur
ses thèses et obsessions, cette fois-ci l’unanimité s’est
faite sur la qualité sarcastique et agréable à lire de celui-ci.
Ce livre souffrait de deux handicaps majeurs : les présentations de lui-même
de Houellebecq dans les médias, et le fait d’avoir reçu le
prix Goncourt, synonyme depuis longtemps d’une grande médiocrité,
Mais cet ouvrage d’un auteur assagi, gardant cependant une belle dose d’ironie
distillée par touches, a fait l’unanimité en sa faveur. Non
seulement les critiques, explicites ou suggérées, de l’Economie,
des milieux des médias et de l’Art Contemporain, donnent à penser
ou/et à rire, mais son apparent caractère dépressif et sa
vision pessimiste de la France future incitent, sous la couche d’ironie, à décaler
la vision que nous avons de notre monde, donc à mieux le comprendre
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