Auteur mexicain un peu méconnu et auteur d’un unique roman et du
recueil de nouvelles « Le llano en flammes » choisi pour cette réunion,
Juan Rulfo a été une découverte pour la plupart d’entre
nous.
Dur, roman noir, dureté de la vie sont les expressions qui sont revenues
le plus souvent pour qualifier ces nouvelles. Univers un peu glauque, morbide
et pénible pour certains, excessif, et pourtant aimé à la
quasi unanimité.
Car ces courts textes sont relatés dans une superbe écriture que
ce soit en français ou en espagnol comme certains membres du Cercle ont
pu le constater.
Certains d’entre nous ont été piégées par une édition
bilingue qui ne publiait que 3 nouvelles et pas forcément les meilleures
de ce recueil qui en compte 17 , allant crescendo pour finir par une nouvelle
pleine de malice et d’humour « noir ».
Dès la 1er nouvelle « On nous a donné la terre », le
ton est donné .
Car cultiver la terre n’est pas une tâche facile mais quand de plus
c’est une terre ingrate, sèche, désertique où rien
ne pousse, cela devient un drame, une des nouvelles porte sur la description
d’un village où on ne trouve rien à manger.
Témoignage de la dureté de la vie de ces paysans devenus « Les
cristeros » dans une époque troublée de l’ histoire
du pays. Très bonne description de la réalité mexicaine
pas un crime, un mort qui n’échappe. Et pourtant l’auteur
ne fait jamais référence aux faits historiques. Omniprésence
de la religion et ambiguïté de sa position qui a créé ces
cristeros qui passaient pour des rebelles en s’opposant aux lois du Président
Calles de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
L’auteur n’y fait jamais référence directement et ne
porte aucun jugement sur les faits. Il a lui même vécu un drame
dans sa jeunesse, dans ce pays et a mis tout son souffle pour évoquer
cette terre où rien ne pousse, cette terre ingrate qui a été donnée
aux plus pauvres des paysans, les riches se réservant les meilleures terres.
Cette distanciation par rapport à l’Histoire en fait un livre intemporel,
les thèmes rappèlent Giono «Regain » ou Greene « la
puissance et la gloire » ou encore les enfants soldats qui ne vivent qu’en
assassinant les autres.
Si l’on voulait résumer ce recueil : « Tuer ou se faire
tuer : seul choix qui s’offre à eux », chaque nouvelle a
son mort. Chaque narrateur de nouvelle est dans le drame qui se joue, un acteur
que ce soit un justicier ou un pousse au crime. La nouvelle qui donne son nom à l’ouvrage
est d’un cynisme absolu.
Quelques phrases relevées : « La mort est une espérance » « Tu
n’entends pas les chiens aboyer » « Comme si les nuages et
le ciel n’existaient pas pour eux ».
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