Le livre est construit autour de trois personnage plus un : Suzanne, jeune
fille accorte et pulpeuse qui a quinze ans au début du roman et dix-sept à la
fin, son frère Joseph, parangon de virilité, aimant la chasse dans
ses diverses acceptions, et mère, sans prénom, qui, ancienne institutrice, à la
mort de son mari, cherchant à gagner plus que sa maigre retraite, s’est
faite octroyer, dans un pays qui est peut-être l’ancienne Indochine,
une concession. Mais les terres que l’administration lui a octroyées
sont inondées tous les ans par la crue du Pacifique ( ?).
Ces trois personnages vivent dans un bungalow, jamais terminé, et ont
une vie misérable mais beaucoup d’espoir. Mère avait espéré pouvoir
construire des barrages contre le Pacifique, qui auraient protégé ses
terres de l’invasion de l’eau. Une année, elle a essayé d’en
fabriquer, avec l’aide des habitants indigènes des villages environnants,
mais les crabes y avaient faits des trous et, lorsque les lames du Pacifique
l’ont atteint, il a cédé et disparu.
Le livre présente l’évolution du personnage de mère,
très possessive envers Joseph, autoritaire mais cédant peu à peu
devant ses enfants et ne gardant qu’un souffre-douleur : un serviteur
indigène : le Caporal., le quatrième personnage.
Alors que Suzanne rêve de se faire un jour enlever par quelqu’un
de passage, riche par surcroît, lorsqu’un d’entre eux se présente
dans sa belle De Dion Bouton, elle prend conscience confusément qu’elle
cherche en fait un double de son frère Joseph, ce qui n’est pas
le cas de M. Jo, chétif et peu audacieux. Il obtient, quand même,
après bien des tractations et après qu’elle ait reçu
de lui un électrophone sur lequel Joseph met Ramona à longueur
de jour, de la regarder nue. Faveur pour laquelle il lui donne un diamant.
Ce diamant déclenche une deuxième partie du livre, puisque, pour
le vendre à un bon prix, la famille s’embarque dans sa vieille B12
tremblotante et part pour la capitale. Là, ils habiteront dans un vieil
hôtel de passe, dirigée par une certaine Carmen, une ancienne prostituée
qui se met en quatre pour aider nos trois héros.
Marguerite Duras nous fait suivre certaines de leurs déambulations –mère
pour vendre le diamant au meilleur prix,- Suzanne pour se trouver un riche mari,
qu’elle trouvera mais refusera, -enfin Joseph, qui décrochera une
maîtresse aimante avec laquelle il aura, pour la première fois de
sa vie, une relation stable-. Mais aussi elle régale ses lecteurs avec
un chapitre brillantissime où elle se livre à une analyse de la
géographie de la capitale, à la fois ironique et réaliste,
un vrai petit chef d’œuvre.
Grâce à la vente du diamant mère rembourse les dettes de
sa concession, mais ne réussit pas à obtenir d’autres concessions
ni des prêts d’argent auprès des banques. Et, grâce à la
maitresse de Joseph, la famille reprend possession du diamant, mais décide
de retourner chez elle.
De retour, Suzanne continue à se coucher à moitié nue au
pied de sa maison en attendant le chasseur ou le touriste qui voudra bien l’emmener.
Mais mère, après un ultime effort qui se traduit par une longue
lettre dénonçant les méfaits d’une administration
corrompue qui cherche à enrichir les riches et laisse les autres de côté,
meurt.
La fin se précipite. Suzanne retrouve le premier garçon qui l’ait
embrassé et l’épouse, Joseph part à la ville rejoindre
sa maîtresse. C’est la fin de l’aventure du Barrage contre
le Pacifique.
A l’unanimité les membres du cercle ont dit aimer ce roman, à la
fois pour le style d’écriture qui fait contraster des descriptions
très soutenues et le parler assez vulgaire et trivial des protagonistes,
pour la présence du désir et de la sensualité qui sourd à chaque
page. Pour le mystère et l’approfondissement des caractères
des trois plus un personnages principaux, pour l’évolution des caractères,
surtout celui de Joseph, pour la description des pauvres indigènes, pour
la dénonciation des exactions des administrateurs coloniaux.
Beaucoup ont pensé qu’il s’agissait d’une évocation à peine
transposée de l’enfance de Marguerite Duras et en ont eu une lecture
réaliste. Les mêmes ou d’autres y ont vu de l’ironie
et de l’humour au second et troisième degré, jusqu’à déclarer
que c’était un grand livre comique. Tous ont souligné la
qualité de son écriture, sa force et son inventivité, et
même s’ils sont restés très réservés
sur la suite de l’œuvre durassienne, ont été ravis de
lire ce livre.