Titre provocateur que « La désolation » pour un livre qui le fut pour certains d'entre nous. Incontestablement, ce livre ne fit pas l'unanimité.
Personnage exécrable, antipathique, négatif, impossible à vivre, Samuel, le narrateur s'adresse à son fils (38 ans) parti en congés sabbatique à travers le monde. Samuel s'obstine a vouloir comprendre les raisons de la « fuite » de son fils, de son comportement. Est-cela le bonheur ? Se la couler douce dans un soit disant paradis terrestre et sans esprit de rébellion ? Lui, c'est plutôt l'inverse, il s'insurge, il fulmine contre son ami, sa femme, il critique tout son entourage et en 1er lieu son fils.
Dérangeant, indifférent, intéressant, décapant, cynique, tous les qualificatifs furent employés pour décrire ce premier roman de Yasmina Reza, plus connue pour ses pièces de théâtre. Elle nous décrit un univers cosmopolite, et se cache sans doute derrière Samuel pour dénoncer sa peur de l'ennui, sa recherche du bonheur, sa boulimie de vie exaltée, ce qui a eu pour effet de provoquer autant de réactions contrastées. « Chaque jour, le monde m'aura rétréci et aujourd'hui, c'est le monde qui se rétrécit en moi ». Elle décrit certes des scènes désopilantes, d'un humour féroce, n'épargnant ni les femmes, ni les bonnes, ni les juifs mais cela ne suffit pas pour en faire un livre inoubliable; « moi dont la seule terreur est la monotonie des jours, moi qui pousserais les battants de l'enfer pour fuir cet ennemi mortel qu'est l'ennui, j'ai un fils qui savoure les fruits exotiques chez les canaques » résume assez bien la tonalité et cela suffit-il à en faire un roman ?
Dans un tout autre genre, « La coquetière » écrit à la première personne par une écrivaine américaine dont on pourrait penser qu'elle règle ses comptes avec les Allemands, est un livre épuré, émouvant.
Basé sur une histoire simple, 'ectoplasmatique' mais je ne suis pas sûre que ce qualificatif employé pour la décrire ait été un compliment!!! l'un des protagonistes se transforme en être de grande dimension.
Cette histoire aurait-elle pu se passer en d'autres lieux ? En d'autres époques, l'avant-guerre ne servant que de toile de fond. Eva, jeune femme allemande doit s'occuper de son poulailler alors que son mari est réquisitionné et que ses enfants glissent lentement dans la doctrine nazie . « J'avais été très peu conscience du monde imaginaire qui avait envahi mon esprit au fil des jours de ma vie de paysanne. Dans notre entourage, il n'y avait que des personnes ordinaires, toutes pareilles, toutes semblables à nous ».Du matin au soir, Eva travaille, sans se poser de questions, habituée à vivre dans le silence, le secret, elle subit son sort. L'arrivée de Nathanaêl, jeune étudiant juif, en cavale, va bouleverser sa vie et le plaisir va finir par s'installer progressivement.
Le ton est juste, les personnages deviennent attachants et l'auteur finit par nous impliquer dans l'élevage des poules pondeuses en ne nous épargnant aucun détail de la vie des gallinacées.
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