Beaucoup d’entre nous avions vu le film de Campanella avant de lire le
roman et craignaient qu’il en soit une répétition. C’est
l’histoire d’un assesseur de juge, genre de chef greffier, qui, n’ayant
pas poursuivi ses études, ne peut espérer devenir à son
tour juge. Il trouve que le milieu dans lequel il travaille est médiocre,
sauf son acolyte Sandoval, lequel se console dans la boisson. L’histoire
prend forme lorsque le héro, Chaparro, est appelé pour constater
un meurtre, celui d’une jeune femme sauvagement torturée et violée.
Il fait la connaissance du mari de la victime, Morales, fou d’amour pour
sa femme. Assez vite Chaparro découvre le tueur grâce à une
photographie de groupe de la morte où un jeune homme la regarde si intensément
que l’on peut voir, dans ses yeux, une envie inextinguible de possession.
Ce suspect a disparu, mais une altercation avec un contrôleur d’un
train de banlieue, de très mauvaise humeur parce que son équipe
de football a perdu la veille, permet de l’arrêter. Sandoval arrive à le
faire avouer, il est arrêté, mais dans l’Argentine de la fin
de vie de Peron, des choses étranges se passent et le tueur, Gomez, est
libéré comme ancien prisonnier politique. En fait il entrera dans
un des groupes paramilitaires qui préparent l’arrivée au
pouvoir de la dictature sanglante aux 30 000 disparus qui sévit de 1973 à 1983.
Cependant, Gomez est kidnappé, à la suite de quoi l’appartement
de Chaparro est visité par deux inconnus qui assassinent Sandoval en le
confondant avec lui. Un ami de Chaparro, le commissaire Baez l’incite à quitter
Buenos Aires et lui trouve un emploi équivalent d’assesseur de juge
dans la province de Jujuy, à la frontière nord-ouest de l’Argentine
avec la Bolivie. Dix ans plus tard, Chaparro revient dans la Capitale Fédérale
et reprend sa place. Son chef est désormais Irène au sujet de laquelle
Chaparro développe un pur amour romantique, inextinguible puisque jamais
concrétisé. Le jour de sa mise en retraite notre héro emprunte
la machine à écrire Remington de son ancien bureau pour écrire
l’histoire de l’assassinat de Mme Morales, et les relations qu’ila
entretenu avec son époux. Les circonstances dans lesquelles il est intervenu,
jusqu’à la tragédie finale et inattendue. D’où la
construction complexe d’un roman alternant les chapitres où le personnage
principal dit « je » et d’autres où il est décrit
comme Chaparro.
La plupart des lecteurs ont beaucoup apprécié ce roman et compris
que l’action se situe dans le cadre des années troubles des prodromes
puis de l’installation de la dictature militaire, d’où un
certain ton mélancolique de la narration, ponctué cependant de
moments sarcastiques et ironiques. Les a aussi frappé le parallélisme
romanesque entre les sentiments éperdus des trois protagonistes mâles
: Gomez vis-à-vis de sa victime, Chaparro et Inès, Morales et sa
femme assassinée. Certains ont vu dans ce parallélisme des sentiments
les raisons du caractère obsessionnel que cette affaire de meurtre de
Mme Morales a pour Chaparro qui a cependant dû en connaître d’autres.
Enfin l’importance du regard, lié à ces sentiments romantiques éperdus,
leur ont paru une invention narrative bien venue.
Les lecteurs du cercle en majorité ont donc trouvé le roman bien
construit, de lecture facile et intéressante et ont apprécié les
ruptures de ton qu’impose l’alternance des chapitres organisés
autour de « je » et de « lui », ainsi que le déroulé de
l’intrigue et sa peinture sous-jacente des Argentines des années
1970 puis postérieures à 1983. Certains cependant l’ont trouvé pesant,
ennuyeux, au style répétitif, et estimé que le tout pouvait
se résumer dans le premier chapitre et les étonnants derniers.
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