Roman d'aventures, tels les sont les mots le plus souvent prononcés pour définir le dernier Goncourt « Rouge Brésil » qui nous conte comment le Brésil faillit devenir français à une époque où dominaient les puissances maritimes portugaise et espagnole. Encore eut-il fallu que cessent les querelles stériles autour d'un débat théologique sur la transubstantation entre catholiques fervents et calvinistes illuminés et aveuglés par une foi intolérante.
Villegagnon, chevalier de Malte, héros des campagnes en Italie, passionné, porteur d'un message humaniste est parti avec 6000 hommes créer la France antarctique. Ils se retrouvent, échoués sur une île non encore explorée de la Baie de Rio. Il a emmené avec lui 2 enfants Just et Colombe pour lui servir de truchement avec les indiens. Just l'aîné découvre le savoir faire des Templiers, Colombe découvrira le mode de vie des Indiens.
La lente dégradation de Villegagnon se vit au fil des pages. De sympathique bourru au début du roman il glisse peu à peu dans la paranoïa et la violence sous la pression des calvinistes appelés en renfort dont le fanatisme le déçoit. Il se révolte devant la nonchalance, le découragement de ses troupes à qui il n'a pas réussi à insuffler le feu sacré qui transcende les hommes vers un idéal.
Choc de deux cultures contradictoires : la civilisation européenne conquérante qui se veut libératrice et se découvre meurtrière et le monde indien avec sa sensualité et son sens de l'harmonie et du sacré. Cet épisode est une répétition générale des horreurs des guerres de religion qui embrasèrent la France.
Le talent de l'auteur réside plus dans sa manière de camper des personnages haut en couleur et de relater des situations guerrières que dans sa manière de nous dépeindre des paysages ou encore les mœurs des habitants locaux. Du Brésil, nous ne saurons rien ou presque, de la vie des Indiens hormis leur penchant naturel aux joies terrestres et à la liberté de vie, leurs ébats dans la rivière, rien ne nous sera dévoilé que nous ne savons déjà et des caricatures dignes d'Un Tintin au Congo. Dommage, le roman y aurait gagné en substance. Il n'empêche, que pour la plupart d'entre nous, un pan inconnu de l'Histoire de France nous a été révélé et le livre se lit parfaitement et procure beaucoup de plaisir.
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