Morgan Leafy est un personnage peu séduisant, plutôt gros, paresseux, porté sur la bouteille et sur le sexe. Cette dernière passion va lui coûter certaines déconvenues. En effet il aimerait bien coucher avec la fille du patron et peut-être même l’épouser, cela pourrait conforter sa situation professionnelle! Mais comme entre temps, il entretient une maîtresse indigène qui lui a refilé quelques gonocoques, il doit se soigner, pratiquer l’abstinence et rater un rendez-vous galant Priscilla Fanshawe qui finalement épousera un autre fonctionnaire de la mission.
Entre temps il subit une sorte de chantage d’un politicien noir Adekunlé qui veut le compromettre en l’utilisant comme intermédiaire dans une opération immobilière véreuse. Il ne marchera pas dans la combine et se vengera en quelque sorte en couchant avec la femme blanche de ce politicien. Il découvrira bientôt que celle-ci lui a généreusement accordée ses faveurs en échange d’un visa indispensable pour retourner en Angleterre car elle est africaine par son mariage.
Qu’il le croie ou que ce soit vrai, une partie de son obséquiosité muettement râleuse, et de l’ambivalence dans laquelle les autres notables de la mission le tiennent, viendrait de sa naissance : il n’est pas un fils à papa comme la plupart des autres membres de la Commission.
Le roman se déroule dans la période qui suit l’indépendance du pays, mais où les anciens colonisateurs ont encore des reflexes de maître. Un seul personnage tranche, le docteur Murray, d’ailleurs écossais. Il incarne dans un milieu marqué par le snobisme, le sentiment de caste et de race supérieurs, le point de vue du « professionnel », dédié à son travail et à l’intérêt général. C’est probablement pour marquer sa détestation de ce milieu post-colonial que Boyd le fait mourir avant la fin du livre.
Car, après la victoire électorale d’Adékunlé,
les étudiants se révoltent et toute la famille Fanshawe et le
personnel de la mission anglaise se retrouvent encerclés et bloqués
chez Adékunlé où ils fêtent sa l victoire. Morgan
Leafy va alors être amené à jouer les héros pour
forcer le blocus des étudiants armés, se faisant passer pour
son patron et ramener chez elle madame Fanshawe. Une fin peu reluisante pour
ce séducteur, car le roman se termine alors qu’il est dans le
lit de Chloé Fanshawe -dame d’un âge certain-, mais sans
vraiment pouvoir l’honorer !
La plupart des membres du cercle considèrent ce livre comme une assez
belle caricature de ce qui pouvait se passer dans la situation coloniale (Dans
les années 1930, Orwell a écrit un livre parallèle sur
l’Inde). Certains membres du cercle supposent que le livre doit être
encore plus caustique, donc plus amusant, en langue anglaise. En Français,
c’est drôle, ça se lit bien, le milieu est un peu long,
on sent que William Boyd patine un peu. Et, finalement, le livre
fermé les
personnages s’en vont de la mémoire parce que trop inconsistants
et/ou désagréables et placés dans des situations grotesques
et répétitives. Pour la plupart des membres du cercle, ce livre
fait passer un bon moment mais on l’oubliera vite.
<<< Séance précédente : «Le marin américain»
Séance suivante >>> : «Les souliers brins du quai Voltaire»