C’est le climat neigeux qui a amené le Cercle de lecture à se
diviser sur base géographique, dirons-nous. En effet, ce jour -là il
fut coupé en deux.
Le froid de saison nous ramène à ce roman fort bien construit qui situe les héros dans une Suède, elle aussi, enneigée et même davantage. On est frappé - on, en grelotte -par cette habitude locale qui amène les gens du grand nord à se rafraîchir dans la glace. On a évoqué Millénium, roman à succès qui brassait l’esprit du Nord et qui donnait une vision en lame de ciseau des rapports humains assez froids.
Le héros, homme seul, divorcé est bien mis en scène par l’auteur habitué aux romans policiers à thèse qui développent toujours un questionnement social et un environnement qui sied bien à l’évolution du récit. Fuyant tout contact humain, le héros est dans une solitude glaciale.
Certains le trouvent attachant même s’il refuse toute émotion (il n’assiste pas à l’enterrement de sa mère) : sa difficulté à vivre s’inscrit aussi dans une difficulté à mener des rapports heureux avec les femmes. D’autres trouvent précisément que cette fuite constante font de lui un lâche dont la personnalité peut aller jusqu’à agacer le lecteur. Un homme qui est loin d’être bon et qui tend vers l’égoïsme pour ne pas misanthrope, ermite ou acète. Il y a du Camus, dans ce personnage qui met tout à distance.
Le récit a pourtant une dimension plus abstraite : une dimension métaphysique faite d’une réflexion sur le temps qui passe, la vie, la mort et la maladie (mal à dire), autre protagoniste central du roman.
C’est ainsi que « en l’espace de quelques semaines les femmes ont fait irruption dans ma vie » (p198).
Et c’est précisément ce que relèvent très bien les dames de notre groupe qui constatent que l’auteur nous a fourni des personnages féminins intéressants qui vont bientôt casser le bloc de glace qu’il s’est construit en terme de personnalité. Les femmes sont perçues comme courageuses, elles, car elles prennent leur vie en main. Si Harriet arrive assez vite dans le cours de l’histoire, c’est pourtant sa fille qui va faire le lien et le ramener à la vie.
Il va finir par rechercher l’amour de sa fille qu’il avait abandonné à son insu plus de trente ans précédemment. Il va prendre conscience de sa propre fragilité quant il aura une attaque et reprendre contact avec le monde (adoption d’un chien, organiser une fête pour le solstice d’hiver et retrouver une humanité qu’il avait enfouie en reconnaissant son erreur médicale passée).
Moins centrée pourtant sur les personnages, le livre est un roman d’ambiance ou l’action n’est pas prépondérante même si certains faits lui donnent une inclinaison particulière : tout bascule quand il tombe dans le lac gelé et que la femme va le sortir de ce mauvais pas. Ce sont d’ailleurs toujours les femmes qui l’entraîneront dans cette aventure humaine…
MANKELL est le beau-fils de Bergman. Et on sent l’ambiance de ses films dans ce roman d'atmosphère où il ne se met pas en scène. Il n’est assurément pas le modèle qu’il décrit ou qu’il fait vivre dans ce roman. En effet, dans la vraie vie, MANKELL est un « humanitaire » comme on dit aujourd’hui. Il était sur la flottille pour Gaza (cfr. actualité) et est capable de défendre des causes. Il partage sa vie entre la Suède et lez Mozambique
Célina nous pose une excellente question : « Pourquoi avoir intitulé ce roman Les chaussures italiennes ? » Le temps ? C’est un cadeau de sa fille qui retisse le lien familial mais aussi le lien qui unit les générations : le père du héros, garçon de café, à une parole singulière quand il dit que dans la vie il faut de bonnes chaussures. C’est enfin concrètement une manière de faire référence à celui qui prend le temps de réaliser une œuvre, ici, une paire de chaussures unique.
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