Leonardo Padura est un écrivain cubain , qui contrairement à la
plupart des autres écrivains contemporains a choisi de vivre et rester à Cuba.
Dans une série policière il a créé le personnage
de Mario Conde rentré dans la police par hasard, par souci de justice, « pour
chasser ces fils de pute ». Tous ses romans abordent le thème de
l’exil. Dans « Les brumes du passé », Mario Conde a
quitté la police depuis une dizaine d’années, pour se consacrer à l’écriture
et il se retrouve dans le commerce de livres anciens, commerce florissant en
ces temps de disette, où les anciens riches, désarmés par
le dénuement et le rationnement des produits de première nécessité se
voient contraints de vendre à vil prix , tout ce qui peut se monnayer.
Mario Condé noie ses états d’âme à coup de rhum
qu’il partage avec sa bande d’amis fidèles dont Le Flaco,
rescapé de la guerre d’Angola, condamné au fauteuil roulant
et partage avec eux les repas fantasmagoriques de la mère du Flaco .
Le livre a été globalement bien reçu, plus par les sujets abordés que par l’intrigue que certains n’ont pas qualifié de policière. La Havane nous est décrite dans toute ses contradictions, ses effets pervers, ses ghettos, on y découvre les bas fonds où Conde soupçonné de meurtre reprend du service et grâce à son flair demeuré intact il essaie de dénouer les fils de ce meurtre mystérieux avec en filigrane une chanteuse oubliée et disparue depuis des dizaines d’année qui plane tel un ange.
A travers le répertoire des livres anciens, c’est toute la quête d’identité cubaine qui s’exprime, la nostalgie du passé, le désenchantement qui règne dans une Havane vibrante et en crise permanente .
Belle langue, poétique, généreuse, excellente description de la Havane avec ses immeubles décrépis, vestiges d’un monde où la fin de l’époque Batista a marqué l’épuisement d’un régime (l’île était devenue le bordel de l’Amérique) pour replonger dans une société cubaine à deux vitesses : régime officiel et marché noir.
Padura n’hésite pas à décrire la Havane dans toute sa déliquescence, de la déchéance économique du pays et s’il n’est pas inquiété jusqu’à présent c’est qu’il reste en limite d’une critique systématique du régime castriste. Il parle de gens qui ont existé mais n’évoque pas l’oppression policière, il n’aborde jamais ce sujet, laissant au choix du lecteur d’interpréter les propos subtils qu’il prête à ses personnages, anciens cadres du parti ou la bande de Conde.
« L’autre jour, j’ai entendu que le pire de la crise était passé, … celui qui a dit cela , il n’avait pas dû passer par là »
« Noirs, blancs, chinois, métis de tout sang, cohabitaient là dans une misère … qui les rendaient tous égaux, les poussant à une survie qui les rendait généralement agressifs et cyniques, comme des êtres désormais étrangers à toute forme d’espoir »
« Tu te souviens, Conde, lorsque les clubs et les cabarets ont été fermés parce que c’étaient des antres de perdition et des vestiges du passé ? ;des fois je me mets à penser . combien de choses, on nous a enlevées, interdites, refusées pendant des années pour atteindre plus vite un bel avenir et pour que nous soyons meilleurs.
« Et nous sommes meilleurs ?
Différents, le pire c’est qu’on nous a empêchés de vivre au même rythme que le reste de l’humanité. Pour nous protéger. Tout le temps, nous avons vécu la responsabilité d’un moment historique. Et pourquoi il y a tant de gamins qui veulent être rasta, rockers, rappeurs et même musulmans , pourquoi sont ils si nombreux à se shooter, à devenir putes ou souteneurs, pourquoi ya t-il tant de cyniques, qui calculent ce qu’ils peuvent voler pour se procurer de l’argent sans travailler , pourquoi sont-ils si nombreux à vouloir quitter le pays ? J’ai un nom pour cela : fatigue historique »
« Il pensa que le fait de naître vivre et mourir dans cet endroit était une des pires loteries qui pouvait échoir à un être humain. Tout comme le hasard qui te fait naître au Burundi, à Bombay ou dans une favela brésilienne, au lieu de voir le jour au Luxembourg ou à Bruxelles, où il ne se passe jamais rien et où tout n’est que propreté, ordre et ponctualité »
« Les odeurs offensantes, le paysage d’édifices dévastés, les rivières urbaines de détritus humains, la réponse agressive comme expression des besoins accumulés pendant des siècles et des générations transformaient en condamnés, sans cause ni procès, ces maudits du destin entassés dans ce lieu, obligés de purger leur fatalité sous le poids d’une vie d’angoisses et d’années de séjour en prison, une vie de merde qui pouvait prendre fin avec la douleur froide des poignards décidés à fendre le cœur d’un homme qui, pour couronner tant de malheurs, recevait comme sépulture le fond putride d’une citerne abandonnée »
« Les odeurs offensantes, le paysage d’édifices dévastés, les rivières urbaines de détritus humains, la réponse agressive comme expression des besoins accumulés pendant des siècles et des générations transformaient en condamnés, sans cause ni procès, ces maudits du destin entassés dans ce lieu, obligés de purger leur fatalité sous le poids d’une vie d’angoisses et d’années de séjour en prison, une vie de merde qui pouvait prendre fin avec la douleur froide des poignards décidés à fendre le cœur d’un homme qui, pour couronner tant de malheurs, recevait comme sépulture le fond putride d’une citerne abandonnée »
Le livre a été globalement bien reçu, plus par les sujets abordés que par l’intrigue que certains n’ont pas qualifié de policière. La Havane nous est décrite dans toute ses contradictions, ses effets pervers, ses ghettos, on y découvre les bas fonds où Conde soupçonné de meurtre reprend du service et grâce à son flair demeuré intact il essaie de dénouer les fils de ce meurtre mystérieux avec en filigrane une chanteuse oubliée et disparue depuis des dizaines d’année qui plane tel un ange.
A travers le répertoire des livres anciens, c’est toute la quête d’identité cubaine qui s’exprime, la nostalgie du passé, le désenchantement qui règne dans une Havane vibrante et en crise permanente .
Belle langue, poétique, généreuse, excellente description de la Havane avec ses immeubles décrépis, vestiges d’un monde où la fin de l’époque Batista a marqué l’épuisement d’un régime (l’île était devenue le bordel de l’Amérique) pour replonger dans une société cubaine à deux vitesses : régime officiel et marché noir.
Padura n’hésite pas à décrire la Havane dans toute sa déliquescence, de la déchéance économique du pays et s’il n’est pas inquiété jusqu’à présent c’est qu’il reste en limite d’une critique systématique du régime castriste. Il parle de gens qui ont existé mais n’évoque pas l’oppression policière, il n’aborde jamais ce sujet, laissant au choix du lecteur d’interpréter les propos subtils qu’il prête à ses personnages, anciens cadres du parti ou la bande de Conde.
« L’autre jour, j’ai entendu que le pire de la crise était passé, … celui qui a dit cela , il n’avait pas dû passer par là »
« Noirs, blancs, chinois, métis de tout sang, cohabitaient là dans une misère … qui les rendaient tous égaux, les poussant à une survie qui les rendait généralement agressifs et cyniques, comme des êtres désormais étrangers à toute forme d’espoir »
« Tu te souviens, Conde, lorsque les clubs et les cabarets ont été fermés parce que c’étaient des antres de perdition et des vestiges du passé ? ;des fois je me mets à penser . combien de choses, on nous a enlevées, interdites, refusées pendant des années pour atteindre plus vite un bel avenir et pour que nous soyons meilleurs.
« Et nous sommes meilleurs ?
Différents, le pire c’est qu’on nous a empêchés de vivre au même rythme que le reste de l’humanité. Pour nous protéger. Tout le temps, nous avons vécu la responsabilité d’un moment historique. Et pourquoi il y a tant de gamins qui veulent être rasta, rockers, rappeurs et même musulmans , pourquoi sont ils si nombreux à se shooter, à devenir putes ou souteneurs, pourquoi ya t-il tant de cyniques, qui calculent ce qu’ils peuvent voler pour se procurer de l’argent sans travailler , pourquoi sont-ils si nombreux à vouloir quitter le pays ? J’ai un nom pour cela : fatigue historique »
« Il pensa que le fait de naître vivre et mourir dans cet endroit était une des pires loteries qui pouvait échoir à un être humain. Tout comme le hasard qui te fait naître au Burundi, à Bombay ou dans une favela brésilienne, au lieu de voir le jour au Luxembourg ou à Bruxelles, où il ne se passe jamais rien et où tout n’est que propreté, ordre et ponctualité »
« Les odeurs offensantes, le paysage d’édifices dévastés, les rivières urbaines de détritus humains, la réponse agressive comme expression des besoins accumulés pendant des siècles et des générations transformaient en condamnés, sans cause ni procès, ces maudits du destin entassés dans ce lieu, obligés de purger leur fatalité sous le poids d’une vie d’angoisses et d’années de séjour en prison, une vie de merde qui pouvait prendre fin avec la douleur froide des poignards décidés à fendre le cœur d’un homme qui, pour couronner tant de malheurs, recevait comme sépulture le fond putride d’une citerne abandonnée »
« Les odeurs offensantes, le paysage d’édifices dévastés, les rivières urbaines de détritus humains, la réponse agressive comme expression des besoins accumulés pendant des siècles et des générations transformaient en condamnés, sans cause ni procès, ces maudits du destin entassés dans ce lieu, obligés de purger leur fatalité sous le poids d’une vie d’angoisses et d’années de séjour en prison, une vie de merde qui pouvait prendre fin avec la douleur froide des poignards décidés à fendre le cœur d’un homme qui, pour couronner tant de malheurs, recevait comme sépulture le fond putride d’une citerne abandonnée »
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