- L’étude d’un milieu de pêcheurs dans le Jutland septentrional, tout au nord du Danemark, l’évolution des techniques de pêche, des zones de pêche et des marchés. Le passage de la pêche sur bateaux en bois et à la voile à l’écumage des bancs de poissons avec les bateaux les plus équipés de technologie….. l’ouverture vers d’autres marchés, comme la Grande Bretagne, la pêche hauturière vers les Terra Nova, l’arrivée d’une pêche mécanisée, ceux qui refusent l’évolution, ceux qui vont de l’avant, pour arriver finalement à un pillage de la mer, et son corollaire : les quotas de l’Europe qui plonge les anciennes success story dans la ruine
- La reconstitution d’une époque, d’une région, d’un milieu avec ses souffrances et ses joies collectives. La lande, la brume, le phare, les tempêtes, le retour des bateaux, les morts en mer, les pêches miraculeuses, l’alcool des hommes, la peur des femmes. Puis un monde qui devient plus sûr. Un milieu dépeint également avec le poids des conventions, les préjugés, les regards qui pèsent, les non dits, les allusions, le traitement infligé à celui qui est différent. Puis l’évolution des mentalités vers plus de tolérance, plus d’ouverture
- une saga familiale, avec son secret, et sa réussite sociale puis sa décadence. Le passage de la dictature du grand père (Jans Peter), à la prise de pouvoir par sa femme, celle qui entre dans le capitalisme. Une participante y a vu la mise en roman des théories de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (thèse sur le début du capitalisme et l’acquisition des richesses). Et l’évolution des mentalités qui lui est associée
- Une description psychologique fine des personnages, les principaux : Ane, Jans Peter son mari, Toni son fils, avec leurs relations, leurs conflits, leurs connivences. Les 2 personnages les plus intéressants sont Ane et Toni, que leurs caractères forts et créatifs mènent au succès. Ce sont des modèles de réussite entrepreneuriale. Ane, ambitieuse et pugnace, et son austérité presbytérienne, est cependant décrite dans toutes ses contradictions
- son désir d’enfant, quasi animalier, mais également social pour être conforme au rôle de génitrice imposé aux femmes,
- à la fois libre d’esprit, et entravée par son désir de réussite sociale
- - des poussées de tendresse quand elle voit son mari et son fils, mais toujours réprimées. Pour sa sœur aussi des moments de pitié, mais toujours réprimés
Déjà très pragmatique et soucieuse de réussite dans sa jeunesse, elle se durcit énormément avec le temps et la richesse, et cet enfermement, joint à sa culpabilité vis- à-vis du marin américain, la pousse pour finir dans la folie.
Toni est celui qui est différent, qui se sent autre. Il est obligé de se dépasser pour être accepté. Pour lui, pas de juste milieu, s’il ne veut pas être l’exclu il doit devenir le meilleur et le roi
Dans le roman, même les personnages secondaires sont traités avec finesse : Marie la sœur d’Ane, le docteur, son anticonformisme et son parler vrai , et le douanier et sa recherche obsessionnelle de ce qu’il est arrivé au marin américain.
- Une vision quasi psychanalytique : le secret d’une famille et le traumatisme qui est aussi son acte fondateur. Il pousse Ane à la folie, et le mort doit obtenir sa réparation pour que la famille retrouve son équilibre. Comme dans l’antiquité, le mort doit être retrouvé et enterré dignement. Cette mission est dévolue à l’arrière petit fils, le narrateur, « noir » comme son grand père, et qui a pris ce rôle ancestral de libérateur.
Cependant, malgré ces qualités, il faut noter que le style a été très
critiqué, par la plupart des participants, certains disant même
qu’ils avaient aimé le livre malgré le style.
La longueur du récit a également gêné un grand nombre
de lecteurs. Soit la partie décrivant les pêches (avatar du « Pêcheurs
d’Islande » de Pierre Loti), soit, et surtout, la dernière
partie, où le narrateur en arrive son époque, lui et ses cousins,
ses études, etc.., le récit s’enlise et fait perdre l’intérêt
de la trame.
Enfin dernier bémol : le suspense autour de la disparition du marin
américain, s’il a été apprécié par
environ la moitié des participants, qui y voit un procédé astucieux
relançant habilement l’intérêt du lecteur, a fait
rire, voire irrité l’autre moitié, qui avaient anticipé la
mort du marin, pensait que c’était le mari, et a estimé que
la montagne avait accouché d’une souris.
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