A l’ « Ouest » tout le monde l’est plus ou moins, personnages étranges dans un lieu étrange. Ames sensibles s’abstenir . Nous sommes au milieu du XIXème siècle, époque un peu méconnue, La France digère avec peine les conséquences de la révolution, elle a renoué avec la Restauration de l’Ancien régime., les livres romancés sont parfois plus intéressants que les livres d’histoire pour appendre la grande Histoire. Si nous avons pratiquement tous adoré ce roman insolite, original, décalé par le sujet, au style très personnel, certains d’entre nous ont souligné une atmosphère dérangeante, glauque, pesante, angoissante, manichéenne qui met mal à l’aise.
Dans « Ouest », désignation d’un pays à l’ouest de la France mais difficilement identifiable, le climat est humide, la boue colle aux chaussures, les étangs y sont nombreux, le ciel est bas. Les personnages sont un peu à cette image. Une famille de garde chasse est au service du domaine « Les Perrières » depuis des générations. Le maître actuel, de retour de Paris où il s’est convaincu d’idéal républicain a succédé à son père qui l’a haï et méprisé toute sa vie .Ambiance étrange, à la manière d’un polar, rappelant The Servant ou un film de Polanski Il y aussi un peu de l’esprit de Mauprat de George Sand relatant des faits de la même époque.
Lambert est le serviteur idéal. Il attend que chacun soit à sa place et garde son rang : les serviteurs sont au service et les maîtres donnent des ordres. Des siècles d’asservissement sont longs à être dissous. Les maîtres peuvent tout se permettre mais il y a des limites, surtout quand cela concerne sa fille chérie. Lambert entretient à la perfection une meute de chiens prêts à la chasse alors que son maître peureux parcourt son domaine à cheval sans en connaître les exactes délimitations. Le drame menace quand Lambert a des soupçons sur les relations du Maître avec sa fille adorée. On ne transige plus avec les principes moraux ,foi de Lambert. Or, le nouveau Maître est fou, dérangé, névrosé, imprévisible, il course les filles nues dans les couloirs de son château et il a des idées républicaines. Il s’est mis dans la tête d’aider Victor Hugo à monter sur le « trône de France ». C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il a gardé Lambert à son service : le père de Lambert avait des velléités à vouloir se battre contre les blancs et Monsieur de l’Aubépine, le nouveau maître voudrait rallier le fils à la cause républicaine : « J’aime, Lambert quand vous vous révoltez, cela prouve que vous êtes un homme libre » La tension monte tout au long des pages avec une fin à la fin inattendue et pourtant inévitable.
Quelles conséquences peuvent laisser une éducation rigide et destructive ? Un adulte bloqué, au stade d’une enfance qu’il n’a pas connue, soucieux de conserver une virginité perpétuelle symbolisée par son obsession de la peau blanche et sans poils, Le style est à souligner, la narration est souvent écrite à la 3ème personne, certains tics de langage « faut pas », or des faux pas il y en a tout au long du roman tant chez Lambert que chez le baron
François Vallejo, auteur de ce petit chef d’œuvre est trop méconnu à notre avis, nous avons pour la plupart exprimé le souhait de découvrir son œuvre littéraire.
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