Le « Chagrin des belges » en a chagriné plus d’un au
sein du Cercle.
Des longueurs, des incompréhensions de style, un rythme déroutant,
une foison de personnages médiocres, antipathiques et conformistes, peu
de descriptions des situations, manque de repères, les dialogues s’enchaînent
sans contexte explicatif et sur 850 pages cela peut paraître fastidieux.
Cependant l’intérêt pour le thème traité a été souvent évoqué avec
un malaise à la lecture ou à l’inverse une jubilation pour
d’autres. Unité de lieu et de thème mais que le lecteur est
invité à découvrir lui-même, les clés ne lui étant
pas révélées.
L’auteur, Hugo Claus, se revendique « flamingant francophone »,
ce qui est une apparente contradiction quand on connaît l’hostilité entre
flamands(de langue néerlandaise) et francophones. Libertaire, il a toujours
clamé son credo « Ni maître, ni Dieu ». Et dernier pied
de nez à la Belgique catholique, il a tiré sa révérence,
début 2008 en se donnant la mort par euthanasie. Il a écrit ce
livre pour ses fils, en témoignage de son enfance et de son adolescence(années
30 à 45) , pour leur décrire le milieu provincial dans lequel il
avait été élevé.
Et s’il se met en scène sous les traits de Louis, il ne s’épargne
pas, se donnant un rôle de manipulateur, à l’intelligence
aiguë qui le fait émerger de ce monde trouillard, médiocre
et hypocrite. Il y est à bonne école :son père, un pusillanime
qui retrouve le confort dans la nourriture, sa mère, une jolie paysanne
qui use de son charme auprès de l’occupant allemand. Ses maîtres
religieux ne sont guère des exemples à suivre hormis « Le
caillou » rare jésuite à avoir un peu d’humanité.
Louis navigue au sein de sa nombreuse famille (grands parents, tantes, oncles
déjantés) certaines scènes y sont crues et parfois hilarantes.
Marc, notre belge du CERCLE nous a décodé certains aspects du livre
: La Belgique est un pays artificiel où flamands et wallons ont toujours
eu du mal à cohabiter : aux wallons, la richesse et les classes dominantes,
les flamands, paysans ignares représentant le petit peuple. C’était
dans les années 1930-45. La situation s’est ensuite inversée
et les conflits ne sont toujours pas réglés. Ce livre ose aborder
des sujets tabous : la connivence flamands-allemands pendant la dernière
guerre.
On pense à Bazin, Mauriac, avec un humour caustique en plus. De longs
chapitres consacrés au pensionnat chez les bonnes sœurs et les jésuites
a renvoyé aux souvenirs personnels de certains membres du Cercle et ont été largement
commentés. Le choix de Louis pour les jeunesses hitlériennes, a
aussi suscité pas mal d’interrogations.
Au final un livre majeur de la littérature flamande, à découvrir
absolument même si c’est dans la douleur.
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