Une majorité des présents a bien aimé ce livre, sans pour
autant que ce soit un chef d’œuvre, loin s’en faut. C’est
l’Histoire avec un grand H vue à travers la petite, à savoir
celle de cette Theresia Cabarrus, envoyée à Paris à l’âge
de 15 ans par son père banquier du roi d’Espagne pour parfaire son éducation
et trouver un mari dans l’aristocratie, qui se retrouve vite dans la tourmente
révolutionnaire. En fait de maris, c’est cinq qu’aura cette
aventurière, le plus connu étant ce Tallien célèbre
pour avoir fait tomber Robespierre et mis fin à la Terreur. Theresia est
une opportuniste très contente d’elle-même, frivole et extravagante
qui aime bien se mettre en avant et faire étalage de sa beauté et
de ses conquêtes, même si elle est instrumentalisée par ses
amants et maris. Finalement elle ne nous est pas apparue comme très sympathique
malgré son surnom de Notre Dame du Bon Secours, mais là n’était
peut- être pas le but de l’auteur. C’est donc la Révolution
vue résolument par le petit bout de la lorgnette, côté privilégiés,
entendez aristocrates : fêtes, fastes et débauches, cynisme et tromperies,
avec quelques rares incursions dans le quotidien du peuple (servante, compagnes
d’infortune en prison…).
La plupart ont trouvé le début plus intéressant que la suite,
bien enlevé, avec la socialisation de Theresia, le ruban rouge autour
du cou synonyme de passage à la guillotine, mais cela devient vite long,
trop long voire répétitif pour certains, avec une fin sans intérêt
réel. L’auteur donne une vision très complaisante de cette
période avec les descriptions ad nauseam des têtes qui tombent sous
le couperet de la guillotine (cf la princesse de Lamballe). Sans parler du parti
pris de voyeurisme sur de nombreux détails, qui a rendu la lecture malaisée à plusieurs
d’entre nous. Roman à l’eau de rose, roman de gare où la
beauté de la femme transforme l’homme rustre et violent en agneau
timide, midinette digne des héroïnes de la série Harlequin
: tous qualificatifs évoqués par deux lectrices…
Aborder de cette façon légère et pédagogique la Révolution
française a paru intéressant à la plupart d’entre
nous, pour qui apprendre - ou réapprendre - des épisodes oubliés
permet de se replonger plaisamment dans l’atmosphère de l’époque,
exemple le Directoire avec les « Incoyables » et les « Meveilleuses » ;
l’approche imagée avec les descriptions de vêtements, les
soirées, les dialogues enlevés, permet d’imaginer le film
qui pourrait être tiré de ce livre (l’auteur a d’ailleurs écrit
pour le cinéma et la télévision). L’entrée
en résonnance avec le présent a été souligné par
certains, les guerres de pouvoir étant intemporelles. D’autres par
contre ont trouvé caricaturale et simpliste la description de cette période
complexe, trop complexe, aucun débat d’idées pour comprendre
les enjeux entre Girondins, Jacobins, Montagnards etc… Galerie de portraits
trop souvent ébauchés, traits moraux seuls qualifiant les hommes
politiques. Une discussion s’engage sur le fait de savoir si c’est
l’histoire de la Révolution qui nous est donnée à voir
ou plutôt celle de Madame Tallien.
L’auteur a pris un risque en campant des personnages connus et en les faisant
dialoguer. On se demande si c’est vrai ou non, et certains ont eu la curiosité d’aller
plus loin, par exemple Tallien était bien tel qu’il apparait ici,
ayant ordonné des massacres à Bordeaux puis à Quiberon dans
le but de se faire bien voir de Robespierre à Paris. On sent que Carmen
Posadas a beaucoup lu et pas seulement de l’histoire, elle fait d’ailleurs
référence à certaines de ses sources en fin d’ouvrage: « Un
conte de deux villes » de Dickens, le magnifique « Fouché » de
Stefan Zweig, « Vieilles maisons, vieux papiers » de Gaston Lenôtre.
Certains ont particulièrement goûté l’épisode
des débuts de Bonaparte dans le beau monde, petit soldat timide et effacé,
la Beauharnais assez mal dégrossie au départ, avec ses dents cariées,
ou encore le bal des victimes qui fait fureur. La grande liberté des mœurs
admise de tous a été remarquée. L’auteur, uruguayennevivant en Espagne, qui n’a donc pas notre vision franco française
de la Révolution, veut montrer que Madame Tallien est très moderne.
En conclusion, ce livre a éveillé le désir de plusieurs
d’entre nous de se replonger dans la lecture d’autres livres sur
cette période extrême et foisonnante, il est apparu plaisant à lire
quoi que peu profond.
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