La plupart des participants a bien aimé ce livre, à part
l’un d’entre nous qui l’a détesté. Certains ont été très
enthousiastes (majorité) à son égard, d’autres plus
mitigés.
Un bon nombre a souligné son intérêt pour le sujet : il s’agit
d’un livre qui traite de l’après-guerre de 14, thème
peu fréquent, et qui met en scène deux escroqueries, celle des
cimetières - qui a vraiment eu lieu - et celle des monuments aux morts,
une idée de l’auteur. L’escroquerie aux monuments aux morts
retient plus notre sympathie que l’autre, car elle est imaginée
par le soldat « gueule cassée » Edouard, et elle est ressentie
comme plus artistique que l’autre.
Plusieurs d’entre nous ont apprécié le style vivant, percutant
et enlevé, les phrases courtes et très puissantes. Ont été bien
perçues également les descriptions fouillées et intéressantes,
les personnages approfondis, notamment ceux des deux protagonistes, Edouard et
Albert, ainsi que celles du sombre capitaine Pradelle, du banquier Péricourt
et même de la petite Louise, qui s’attache à Edouard. Un participant
a relevé que la description de certaines scènes d’horreur,
comme celles des tranchées et celle où Albert se voit mourir enterré vivant,
est bien maîtrisée et, du coup, ces scènes deviennent soutenables.
Une participante a trouvé le ton de l’auteur moqueur et sarcastique,
un rien méprisant envers tous les personnages.
D’autres ont souligné des longueurs et des répétitions
; celui qui n’a pas aimé le livre l’a trouvé interminable
et a déclaré : « Il faut parfois ½ page, voire une
page entière à l’auteur pour faire avancer le récit
alors qu’une seule phrase suffirait… ». Ce dernier - s’il
a évité de lire une partie du livre - a néanmoins été découvrir
la fin. Il est vrai que Pierre Lemaître (auteur de romans
policiers par
ailleurs) maîtrise l’art du suspens et que nous ne connaîtrons
le sort des différents personnages qu’à la toute fin du livre.
La majorité des participants a apprécié l’excellente
dimension des personnages, y compris de ceux qui exercent un rôle secondaire,
comme Joseph Merlin, l’inspecteur attaché au Ministère des
pensions de guerre, pathétique et très honnête, qui provoquera
la chute de Pradelle. Certains ont trouvé le livre un peu « manichéen »,
voire « binaire » : il y a le riche et le pauvre, l’artiste
et le comptable, d’un côté l’argent et le pouvoir, de
l’autre les sentiments… Une lectrice a souligné qu’il
contient malgré tout pas mal d’ambivalences. Edouard et Albert entretiennent
une relation aliénante, le premier ayant sauvé le second de la
mort, en y laissant la moitié de son visage. Edouard est devenu dépendant
d’Albert et ce dernier ne le lâche pas car il lui doit la vie. Issus
de milieux très différents, ils auraient eu peu de chance de se
rencontrer sans la guerre.
Un autre aspect a retenu l’attention : les relations entre les soldats
et leur hiérarchie, que l’on voit essentiellement à travers
le cynique Pradelle, pour qui la guerre (et l’après-guerre) ne représente
qu’une belle opportunité de prendre du galon et de s’enrichir.
Le ton persifleur et sarcastique de l’auteur à l’égard
des officiers a fortement gêné un des participants. Il est vrai
que tous n’étaient pas des Pradelle…
La fin du livre a été vécue comme un feu d’artifice
: Péricourt renverse et tue son fils qui, pour la première fois,
portait le masque de son visage d’avant-guerre. Une mise à mort
physique après la mise à mort symbolique de ce fils qu’il
rejetait (artiste et homosexuel). Quelque temps après, Péricourt
prendra conscience de l’expression qu’il a lue sur le visage de son
fils avant de le tuer : de la gratitude.
Le film retraçant cette histoire va être réalisé par
Albert Dupontel, choisi par l’auteur qui participe à l’écriture
du scénario. Sa sortie n’est pas encore annoncée, cela devrait
prendre du temps. Par ailleurs, le roman va être également transposé en
bande dessinée.
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