Le livre de François Cheng conte l’histoire d’un peintre chinois
intéressé par les œuvres occidentales, boursier en France
et amoureux de l’Italie, de sa naissance avant la seconde guerre mondiale à la
Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Le livre est fabriqué sur
le mode de la chronique ou de la narration biographique, sans aucune création
formelle, mais dans un français admirable. Nous suivons notre héro
dans une enfance pauvre mais où l’on côtoit des riches, puis
dans une adolescence marquée par la guerre sino-japonais et l’idéal
révolutuonnaire . Ensuite surviennent les luttes entre les troupes de
Mao et celles de Tchang Kai Tchek. Période à la fois d’introspection
et d’éveil de sa vocation de peintre. Sa vocation artistique s’affirme
lors de son séjour en Europe. Les choses commencent à tourner mal
pour lui lorsqu’il retourne au pays à la recherche de l’objet
d’une passion amoureuse romantique, Yu-Mei, qui, entre-temps s’est
suicidée. Suivent de multiples épisodes, chacun plus affligeants
que les précédents, qui correspondent soit aux différentes
expérimentations que le Président Mao veut infliger à son
peuple (lutte contre les droitiers, cent fleurs, révolution culturelle),
soit à l’initiative de Tian-Yi, par exemple lorsqu’il va provoquer
les bureaucrates de régime pour pouvoir être envoyé dans
un camp de redressement dans l’extrême nord de la Chine à la
recherche de son ami Hoalang, lui-même enfermé dans un de ses camps.
Mais il échouera, entrapercevant trop rapidement cet ami avant qu’il
meure à son tour. D’ailleurs on peut dire que la vie de cet héro
consiste à aller d’échec en échec, comme les poètes
pauvres du temps des romantiques (la vie même de Gérard de Nerval
ou le Chatterton d’Alfred de Vigny) ou, métaphoriquement, dans une
autre époque et pour d’autres raisons, la Justine de Sade.
L’avis des membres du Cercle manifeste un désaccord entre une majorité très
favorable au livre et une minorité le trouvant mal construit et ennuyeux,
tout en reconnaissant la splendeur de la langue écrite de ce membre de
l’Académie Française.
La majorité favorable a vu dans ce livre le résumé de quarante à cinquante
ans de l’histoire de la Chine. Ils ont saisi, à travers le destin
de Tian-Yi, la façon dont les bouddhistes et Taôistes chinois se
vivent en supportant un quotidien morose grâce à leur foi dans quelque-chose
de transcendant : ici, l’amitié, l’amitié amoureuse,
l’art pictural et poétique. La recherche d’un absolu amoureux
et amical qui habite le héros les a, en effet, touché. Ils ont
apprécié la
sensualité du livre, en particulier dans la description que Cheng fait
des paysages, où les choses sont suggérées avec légèreté et
délicatesse.
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