Etaient présentes neuf personnes, deux avaient envoyé leur commentaire.
Inutile de rappeler longuement le sujet de ce roman qui raconte comment une jeune femme agrégée de lettres, romantique, rayonnante, en quête d'accomplissement par l'amour et la littérature, se laisse insulter, humilier, détruire par son mari, un homme tyrannique, veule, sadique.
Sujet souvent considéré comme un fait divers. La réalité n'est pourtant pas toujours aussi simple qu'on se la représente. Une mère de famille, même en 2014, peut s'enfermer dans des pièges insolubles.
Ce roman, qui a connu un grand succès, est objet de controverses, il est "clivant" comme l'a dit une bibliothécaire. La très grande majorité d'entre nous ont détesté ce livre, en ont rejeté aussi bien l'histoire que le style. Ce dernier a été jugé pompeux, précieux, prétentieux, "horriblement lourd", phrases trop longues, accumulation d'adjectifs. La construction mal faite, le récit de la soeur aurait dû intervenir plus tôt pour comprendre le personnage de Bénédicte Ombredanne. Ce n'est d'ailleurs pas elle mais l'auteur qui théorise un cas d'aliénation d'une femme. De fait, cette femme n'est pas présente, on ne l'entend jamais. Seul l'auteur l'est, trop. Ce qui domine c'est la personnalité de l'auteur, "il écrit sur un auteur qui n'arrive pas à écrire".
Sur l'histoire et le livre dans son ensemble, les propos ont été très tranchés "des poncifs littéraires", "un très mauvais livre", un "mélo pur et simple", "un roman photo", "une description mais pas de profondeur", "l'analyse de Bénédicte est zéro ... pas vrai qu'un traumatisme psychologique provoque un tel abandon de soi, une interprétation mécaniste", "pas de la psychologie mais un psychologisme détestable".
A une exception près, qui l'a vue comme "lumineuse, une éclaircie dans une nuit sombre" (hormis les minoritaires qui ont exprimé un commentaire quasiment opposé sur le roman), la rencontre avec Christian a été qualifiée de "pas réaliste", "pas du tout vraisemblable", "roman rose", "un peu arlequin".
Par contre, la scène qui se déroule au centre psychiatrique a été unanimement perçue comme la partie la plus "humaine", "la plus chaleureuse" où l'héroïne ainsi que les autres personnages sont vivants, entrent dans des relations amicales et d'aide.
Pour clore, on dira que le procédé littéraire utilisé par Eric Reinhardt de mettre a distance son personnage, en l'appelant constamment par son nom, en ne lui donnant jamais la parole, a gêné la plupart des participants au cercle qui se sont trouvés empêchés de ressentir une quelconque empathie pour elle ou "d'accrocher" à sa longue descente vers la mort. De même le récit fait par la soeur jumelle du calvaire de B.O. a-t-il été jugé trop long et excessif pour noircir Jean-François qui pousse son sadisme à la faire enterrer dans des habits sortis d'on ne sait où.
Quant aux "minoritaires" qui ont adhéré au récit, au style, qui ont partagé certaines critiques notamment celles rapportées dans la phrase précédente, ils ont été aussi les plus réticents à entrer dans la polémique sur l'emprunt par l'auteur d'une confession faite par une femme, restitution publique qui lui porte préjudice parce qu'elle serait facilement identifiable pour son entourage. Eric Reinhardt lui-même s'est expliqué (notamment dans une interview donnée aux Incorruptibles) sur l'écriture de ce livre issu de correspondances, de rencontres avec des femmes dont celle qui porte plainte.
Quant à l'auteure de ce compte-rendu, elle estime, comme beaucoup d'autres que Bénédicte Ombredanne peut être considérée comme l'Emma Bovary des temps modernes qui se réfugie dans ses fantasmes, ses rêves d'amour absolu et de littérature. Laissons-lui la parole :
"Quel bonheur d'écrire, quel bonheur de pouvoir la nuit, s'introduire en soi et dépeindre ce qu'on y voit, ce qu'on y sent, ce qu'on entend que murmurent les souvenirs, la nostalgie ou le besoin de retrouver intacte sa propre grâce évanouie dans la réalité mais bien vivante au fond de soi ..."
et dans le tout dernier chapitre :
"Certains préfèrent croire aux illusions, aiment ce que les images leur racontent, même si elles sont piégées"
(Prix l'Etudiant/France Culture/Télérama et prix France télévisions (récompense un ouvrage de fiction de langue française, 2014))
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