« Un jour viendrait, il ne resterait plus aucun survivant de Buchenwald, plus personne ne saurait dire avec des mots venus de la mémoire charnelle ce qu'auront été la faim, le sommeil, l'angoisse, la présence aveuglante du mal absolu. Plus pesonne, n'aurait dans son cerveau, son âme indélibile, l'odeur de chair brûlées des fours crématoires : fade , écoeurante ... »
Ecrire, pour Jorge Semprun c 'est s'arracher à la mort qui ne l'a pas quitté depuis sa détention, le 1er titre de son ouvrage fut-il pas « l'écriture ou la mort ». Or écrire renvoie à la mort. N'est ce pas ce qui a conduit Primo Levi au suicide, lui qui comme Semprun fut victime de la barbarie nazie et n'a cessé dès sa sortie du camp d'être hanté par l'évocation de ses souvenirs et s'est peu à peu au fil de ses livres, laisser dominer et envahir par la mort. Jorge Semprun attendra le jour du suicide de Primo Levi (11 avril, sorte d'anniversaire, Semprun fut libéré le 12 avril 1945), pour prendre conscience qu'il lui faut écrire pour témoigner et pour se lancer à nouveau dans l'écriture de l'oeuvre qu'il appelera « L'écriture ou la vie »
Livre sur l'incommunicabilité à transcrire la douleur, l'horreur, l'inimaginable car les mots utilisés ne peuvent que susciter gêne, silence, incrédulité.. On pourrait faire un parallèle avec les expériences de vécu douloureux où les mots ne parviennent pas à décrire l'enfer intérieur de l'être.
Roman en 3 parties, nombreux flash sur sa vie avant le camp et après le camp, évocation de ses passions littéraires , de ses aventures amoureuses. Semprun , s'explique sur le sentiment de culpabilité qu'il n'a jamais éprouvé à être revenu vivant. Sa visite en 19992 à Weimar patrie de Goethe et proche du camp lui révéle une des raisons ou explications de sa survie.
Autre témoignage direct de l'univers concentrationnaire : « La traversée de la nuit » de Geneviève De Gaulle-Anthonioz . Nous nous somme tous accordés à reconnaitre la vie admirable de G. Anthonioz De Gaulle dans son engagement auprès des plus démunis , des exclus. Son livre est une pâle description des conditions de sa détention .
A-t-elle voulu épargner le lecteur de détails insoutenables ou a t-elle été incapable de dire l'indicible ? Les deux livres ont cependant des points communs : une certaine forme de l'écriture , une sorte de détachement par rapport aux faits rapportés froidement , sans jugement, sans effet de dramatisation , si ce n'était l'horreur que l'on sait , on pourrait presque parler de dandysme à propos de Semprun
Les deux auteurs ont pu semble-t-il résister et survivre grâce à la passion qui les animait : littéraire et poétique pour Semprun , religieuse pour G.Anthonioz. Parmi les nombreux auteurs et poètes évoqués par Semprun, il en est un qu'il a découvert à la sortie de sa détention et que nous avions choisi de découvrir pour une prochaine séance : René Char.
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