Un petit goût d’exotisme et un rappel historique dans cette oeuvre
classique dont la plupart d’entre nous appréhendait la lecture
ou relecture.
Finalement, chacun parfois pour des raisons différentes a été enthousiasmé par
ces échanges épistolaires et les mots qui revinrent le plus souvent
pour les qualifier furent « modernité et humour ».
La visite au préalable du Château de la Brède où naquit
en 1689 Charles-Louis de Segondat baron de la Brède connu sous le nom
de Montesquieu en ce jour de Journée du patrimoine avec une guide spécialiste
du sujet vint éclairer certaines interrogations que nous avions.
Montesquieu né et marié à une riche héritière
protestante , femme d’affaires dirions nous aujourd’hui, put se consacrer
tout au long de sa vie à sa carrière de magistrat puis d’écrivain.
Quand il n’était pas à Paris à fréquenter gens
de robes ou salons, il disposait d’une riche bibliothèque lui fournissant
ses références à la culture orientale .
"Les lettres persanes" édités en 1721
utilisent
un procédé narratif
astucieux permettant à Montesquieu de confronter des points de vues sur
des cultures radicalement opposées. Deux persans partis d’Ispahan échangent
entre eux et avec d’autres interlocuteurs des propos d’étonnement,
de réflexion sur tout ce qu’ils découvrent au fil de leur
périple sur une période de 8 ans. L’un d’eux Usbek
est un riche sultan , possédant dans son harem les plus belles femmes
de Perse , nous découvrirons par le biais des courriers entre Usbek et
ses femmes et les eunuques noirs et blancs chargés de leur surveillance,
tous les mystères du sérail.
Chacun d’entre nous en ayant fait soit une lecture partielle, soit chronologique,
soit thématique a souligné la difficulté à le lire
dans des conditions habituelles : c’est un contenu dense, qui demande concentration
.Si la plupart d’entre nous a été amusé par l’ironie
des propos sur les moeurs de la cour du roi de France et la critique féroce
du roi, de ses courtisans, des salons, des prélats comparés aux
eunuques persans, d’autres ont plutôt aimé et approfondi la
description du sérail d’Usbek et de la beauté des femmes
du harem. Ce fut une séance où chaque participant put souligner
un théme qui l’avait particulièrement accroché : la
religion, l’esclavage, le suicide, la condition de la femme, le système
politique idéal, tous ces thémes montrent la posture de Montesquieu
vis à vis de son sens de la justice, du recours à la raison, de
son ouverture d’esprit, de ses doutes vis à vis des préjugés.
Si Montesquieu apparaît comme un grand penseur, visionnaire , témoin
de ce Siècle des Lumières il développe une thèse
curieuse de la dépopulation liée selon lui non seulement à la
famine et aux guerres mais aussi à la polygamie et les eunuques et esclaves
en terre musulmane et à l’interdiction du divorce et au célibat
des prêtres en terre chrétienne. En parallèle, il fait l’éloge
du commerce et de l’esprit d’entreprise des protestants qui amène
abondance et richesse.
Quelques extraits lus « Il faut que je te l’avoue, je n’ai
point remarqué chez les chrétiens cette persuasion vive de leur
religion qui se trouve chez les musulmans. La religion est moins un sujet de
sanctification qu’un sujet de disputes … L ‘un me disait un
jour : Je crois à l’immortalité de l’âme par
semestres, mes opinions dépendent de la constitution de mon corps, selon
les cas, je suis spinoziste, sonicien, catholique, impie ou dévot » … « Ce
n'est point la multiplicité des religions qui a produit les guerres, c'est
l'esprit d'intolérance de celle qui se croyait la dominante »
«
Il y a longtemps que les princes chrétiens affranchissent leurs esclaves
de leurs états parce que le christianisme rend tous les hommes égaux
;…. Quant aux côtes de Guinée, elles doivent être sérieusement
dégarnies depuis deux cents ans que les petits rois [...] vendent leurs
sujets aux princes de l'Europe"
«
Le roi de France est le plus puissant prince d’Europe.Il n’a point
de mines d’or comme le roi d’Espagne mais il a plus de richesses
que lui parce qu’il ales tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisables
que les mines. D’ailleurs ce roi est un grand magicien, il exerce son empire
sur l’esprit même de ses sujets, il les fait penser comme il veut.
S’il n’a qu’un millier d’écus et qu’il en
a besoin de deux, il n’a qu’à les persuader qu’un écu
en vaut deux et ils le croient.. ; »
« De tous les auteurs, il n'y en a point que je méprise plus que
les compilateurs, qui vont de tous les côtés chercher des lambeaux
des ouvrages des autres qu'ils plaquent dans les leurs comme des pièces
de gazon dans un parterre".
"
Je vois de tous côtés des gens qui parlent sans cesse d'eux-mêmes;
leurs conversations sont un miroir qui présente toujours leur impertinente
figure".
En conclusion, une oeuvre à lire et relire sans modération et même
autorisée avec excés.
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